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fuite-cerveaux_2612210_465x348100.000 diplômés ont quitté l’Algérie en moins de 30 ans

La question de la fuite des cerveaux qui n’a pas été évoquée publiquement par le successeur d’Ahmed Ouyahia ne donne pas l’impression de constituer une priorité pour le nouveau gouvernement.

L´Algérie a-t-elle échoué dans le projet qu´elle s´est fixé pour retenir ses compétences? Le sujet serait-t-il à ce point tabou pour qu’il n’ait pas fait partie des priorités de l’action du gouvernement? Si tel est le cas, on peut affirmer d’ores et déjà que le développement économique auquel elle aspire est sérieusement compromis. S’il existe un  phénomène sur lequel les gouvernements successifs depuis 1962 se sont cassés les dents, c’est bien celui de la fuite des cerveaux auquel il faut ajouter celui plus récent des harraga. Le second est plus violent.
Dramatique et tragique il met en exergue le mal-être de ses acteurs et souligne la fracture et le désamour entre eux et cette terre qui les a vu naitre. Dans les deux cas c’est l’Algérie qui se vide de ses forces vives. Le thème de la gestion de la ressource humaine et des préoccupations de la jeunesse ont toujours été au centre des interventions du chef de l’Etat. «Le plus grand défi que nous devons relever aujourd´hui est la bonne gestion des ressources humaines, qui reste un acquis stratégique, à travers l´orientation et la formation du capital humain», avait déclaré Abdelaziz Bouteflika, le 19 mai 2008, à l´occasion de l´ouverture des Assises nationales sur l´enseignement supérieur et la recherche scientifique. Le gouvernement Sellal qui s’est doté d’un programme ambitieux pour sortir le pays du marasme dans lequel il barbotte depuis pratiquement l’indépendance ne peut s’en passer. Il ne peut marginaliser ces compétences ou cette force de travail, indispensables à la réussite de sa mission. Surtout qu’il est pratiquement pris à la gorge. Le secteur du tourisme ambitionne toujours d’attirer 2,5 millions de touristes d’ici l’horizon 2015, alors que le ministre de l’Industrie, de la PME et de la Promotion de l’investissement, annonce la création de deux millions de PME d’ici 2025,celui de l’habitat, la construction de 3 millions de logements comme est prévue l’amélioration des prestations des établissements hospitaliers…Certains secteurs (BTP, ressources en eau…) ont fait appel à la main d’oeuvre et au savoir-faire étranger à l’instar de celui de la culture qui se plaint de ne pas avoir de spécialistes en matière de restauration du patrimoine immobilier. La ressource humaine est donc au coeur de ces objectifs qui ont été assignés à la nouvelle équipe gouvernementale. Comment les atteindre lorsque l’on sait que quelque 100.000 diplômés ont quitté l’Algérie en moins de 30 ans et font actuellement le bonheur de leur pays d’accueil tandis que certaines statistiques font mention de quelque 5000 algériens qui, tous les ans, partent s’installer au Canada. 4000 médecins se sont installés en France. A ce rythme, soit une génération, l´Algérie sera vidée de ce qu´elle a de plus précieux: sa matière grise, sa jeunesse. «D´ici à 25 ans, l´Algérie aura perdu toutes ses compétences», avait déclaré au début du mois d’août 2008 sur les ondes de la Radio nationale chaine III, le président de l´Agence algérienne des ressources humaines, M.Ahmed Mena. Tout porte à croire que tous ces cadres sont définitivement perdus pour le pays. Que souhaitent ceux qui sont tentés de les rejoindre? La réponse est claire: Des conditions de travail attrayantes dans un environnement sain expurgé des contraintes bureaucratiques et de la cooptation, en d’autres termes bannir le piston, bénéficier d’un environnement et d’un salaire dignes de leur statut. L’Algérie peut-elle les leur offrir? En principe oui. Les 200 milliards de dollars de réserves de change peuvent y largement contribuer. L´économie nationale ne doit pas être condamnée à faire sans cesse appel au savoir-faire étranger et au transfert de technologie. Une politique qui fait la part belle aux affairistes.
Elle a sous la main un potentiel de matière grise qui peut relever le défi du développement, reste à lui en donner les moyens…

*L’Expression-03.10.2012.

Plus de 6.000 médecins formés en Algérie exercent à l’étranger

Le nombre de médecins formés en Algérie et qui sont partis à l’étranger pour exercer le métier est de plus de 6000 a indiqué mercredi à Alger, le Pr. Moussa Achir, pédiatre à l’Hôpital Bir-Traria.
« Plus de 6000 médecins ayant suivi leurs études en Algérie ont quitté le pays pour exercer le métier à l’étranger notamment en France », a précisé le Pr. Achir dans une intervention à la conférence consacrée à la prise en charge de la santé du citoyen dans la région du Maghreb.
Alors que les établissements de santé en Algérie souffrent d’un manque d’encadrement surtout des spécialistes, et faute de prise en charge, plusieurs médecins préfèrent aller à l’étranger, a-t-il regretté.
L’intervenant a mis l’accent sur la nécessité de trouver une solution à cette situation par la prise en charge des préoccupations des médecins. « Nous ne pouvons pas demander à un médecin spécialiste d’aller travailler au sud si les conditions sociales ne lui sont pas favorables », a-t-il expliqué.
Soulignant, par ailleurs, que l’Algérie est en retard en matière de technologies nouvelles, le professeur Achir qui est aussi chef de projet télémédecine-télédiagnostic à l’Hôpital Bir-Traria a plaidé pour la mise en place d’un système de télémédecine dans toutes les structures hospitalières.
Pour parer à ce manque d’encadrement, l’Algérie est appelée à développer les nouvelles technologies dont la télémédecine pour que les médecins puissent donner leurs avis médicaux à distance, une solution pratiquée dans les pays développés qui est moins coûteuse et moins pénible pour le patient, a conclu

Moussa Achir.*APS-04.10.2012.


Le Professeur en économie, El Mouhoub Mouhoud à Horizons

La coproduction pour réduire les importations

Entretien réalisé par Fella Midjek
Publié le 17 juin 2013

La coproduction est une nouvelle forme de partenariat pour se substituer aux importations en Algérie développée par le spécialiste de la question, El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine. Dans cette interview donnée à la veille de la conférence qu’il animera le 19 juin prochain à Alger pour le Club d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care), il explique que la coproduction consiste, pour une entreprise donneuse d’ordre, à faire fabriquer des composants intermédiaires industriels ou encore des modules technologiques complets à forte valeur ajoutée, par une entreprise partenaire dans un pays émergent à capacités productives. Un concept que l’Algérie devrait, selon lui, adopter, d’autant qu’elle possède une main-d’œuvre qualifiée et que des deux côtés de la Méditerranée, il y a une prise de conscience que le modèle basé sur le simple échange de biens par le commerce est très limité.

Comment définissez-vous le concept de coproduction ?
Ce concept repose sur un principe de partenariat. Il consiste, pour une entreprise donneuse d’ordre, à faire fabriquer des composants intermédiaires industriels ou encore des modules technologiques complets à forte valeur ajoutée, par une entreprise partenaire dans un pays émergent à capacités productives et doté d’une main-d’œuvre qualifiée mais moins onéreuse. C’est le cas des pratiques des firmes allemandes dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO). Cette logique de coproduction est nettement différente des pratiques des entreprises qui délocalisent seulement les activités d’assemblage à faible valeur ajoutée dans les pays à bas salaires (ce fut largement le cas en Tunisie dans le textile, l’habillement, le matériel électrique ou encore les centres d’appels dans les services) et réimportent le produit final ou le service final dans le pays d’origine, dans une seule logique de minimisation des coûts salariaux.

Quelles réalités se cachent derrière ce concept ?
La réalité est que des deux côtés de la Méditerranée, il y a une prise de conscience que le modèle basé sur le simple échange de biens par le commerce est très limité. Un développement industriel conjoint pourrait se mettre en œuvre dans une optique d’avantages mutuels.

Quelles sont les conditions pour que l’Algérie puisse l’adopter ?
Pour l’Algérie et les autres pays du sud de la Méditerranée, deux défis majeurs précèdent l’instauration de cette coproduction : la professionnalisation de la main-d’œuvre et l’ouverture des marchés. En Algérie comme dans la plupart des pays, nous avons affaire à une mise en jachère de milliers de diplômés qui restent au seuil du marché du travail. Un préalable à la réussite de cette stratégie est la mise en place de manière ciblée d’un système de coformation entre les entreprises algériennes et françaises, comme l’ont fait Suez Environnement et la ville d’Alger dans leur partenariat. Des dizaines d’ingénieurs ont été formés dans ce cadre. Quant à l’ouverture des marchés entre les pays de la région, elle est essentielle pour multiplier les débouchés et l’acquisition de la culture des normes.

Justement, quels en seront les bénéfices pour l’Algérie ?
Les bénéfices sont la formation et la professionnalisation de la main-d’œuvre et l’enclenchement des filières industrielles dans une optique fondamentale pour l’Algérie de diversification de la production et de la préparation de l’après-pétrole. Elle favorisera l’attractivité des IDE (investissements directs étrangers) pour l’accès aux marchés local et régional comme par exemple la région subsaharienne.

Ce nouveau concept permettra-t-il à notre économie une intégration dans le système d’échange productif entre les pays du pourtour méditerranéen ?
Bien entendu, à condition que les deux défis énoncés plus haut soient sérieusement mis en œuvre. Cette stratégie pourrait favoriser, dans un premier temps, un rattrapage en termes d’IDE qui pourra entraîner la mise en œuvre d’un système de coformation et d’une professionnalisation de la main-d’œuvre locale et autoriser ainsi un réel processus de rattrapage technologique de l’économie algérienne, dans l’industriel comme dans les services de la connaissance. Il s’agit d’enclencher une sorte de cercle vertueux à l’instar des relations entre l’Allemagne et les PECO.

Quel est le lien entre co-localisation ou coproduction et la substitution aux importations ?
Le lien est évident du seul fait que cette stratégie inclut l’attractivité des IDE. Par un effet mécanique, les investissements que les entreprises partenaires réaliseront en Algérie produiront des biens et services qui se substitueront peu à peu aux importations. Cette stratégie de coproduction peut s’adapter à l’exigence algérienne de vouloir substituer ses importations par une production locale, passant par des IDE ou des joint-ventures de qualité entre les firmes étrangères et les entreprises algériennes permettant une augmentation de la qualité de la main-d’œuvre par une meilleure professionnalisation et l’acquisition de la culture des normes. Une fois ces préalables acquis, la maturité pour une plus grande ouverture du marché sera atteinte. Ainsi, en partant de l’exigence de produire localement en faisant appel aux IDE, l’Algérie pourrait alors bénéficier d’un environnement favorable en termes de productivité et de qualité de sa main-d’œuvre et de son tissu productif pour s’autonomiser et devenir compétitive dans la mondialisation et la régionalisation des échanges.

En attendant, il y a une réalité …
La réalité algérienne est caractérisée par une disponibilité de jeunes diplômés mais non professionnels et l’existence de moyens financiers nécessaires pour qu’ils le deviennent. Un marché local important dont l’essentiel de son approvisionnement provient des importations. Et sa position géostratégique pourrait servir de relais pour des réexportations européennes vers le marché subsaharien en croissance rapide.

Comment l’Algérie voit la substitution à ses importations et comment peut-elle remédier à la situation actuelle de son économie dans le contexte de mondialisation ?
Il ne m’appartient pas d’exprimer la position algérienne en la matière, nous ne savons pas encore quelle stratégie est mise en œuvre par les décideurs de ce côté-ci de la Méditerranée. Je peux simplement donner mon point de vue sur ce qui serait souhaitable de faire. Comme le montrent les pays qui tirent réellement partie de la fragmentation internationale de la chaîne de valeur et dans le partage de la valeur ajoutée mondiale, l’importation est une véritable arme stratégique pour parvenir à des positions leader dans le domaine des exportations. Se satisfaire d’acheter les produits à destination de la consommation finale des ménages, de les distribuer, voire d’en subventionner le prix, n’est pas une stratégie efficace à long terme. Mais le protectionnisme n’est pas non plus la panacée.

Quels sont les pays méditerranéens avec lesquels l’Algérie pourrait construire ce genre de partenariat ?
Chercher à développer sa production par des partenariats gagnant-gagnant avec les pays de la rive nord de la Méditerranée et des pays de l’est de la Méditerranée comme la Turquie qui a réussi à atteindre 80% des normes exigées dans le cadre de l’acquis communautaire avec l’Union européenne semble aller dans le sens de cette stratégie de diversification et de la préparation de « l’après-pétrole » ou de « l’après-gaz ».

- Bio express
Docteur en sciences économiques de l’université Paris 1 Sorbonne (1991) et agrégé des Facultés de sciences économiques (1994), El Mouhoub Mouhoud est professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine où il enseigne l’économie internationale et dirige le Master Affaires Internationales. Il est également fondateur et directeur du Groupement de recherche international du CNRS DREEM (Développement des recherches économiques euro-méditerranéennes). Il a été conseiller scientifique au Centre d’analyse stratégique (ex-Commissariat général du plan) (1995-2008). Il vient d’achever une étude pour le ministère français du Redressement productif sur la relocalisation des activités industrielles en France et la compétitivité des territoires. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages dont « Mondialisation et délocalisation des entreprises ».

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