L’Algérie face à la crise financière de ses principaux partenaires
Mais ceci n’est pas un indicateur de progrès car la configuration actuelle du système financier algérien n’irrigue pas suffisamment l’économie algérienne. Il suffit de se rappeler que les disponibilités bancaires sont de l’ordre de 50 milliards de dollars en 2010, dont 30 milliards de dollars destinés aux crédits à l’économie et 20 milliards de dollars restant sous forme de surliquidités chez les banques.
Cela étant, si la situation de crise structurelle des finances publiques et de désordre monétaire de ses principaux partenaires (Europe et Etats Unies) n’a pas d’impact notable sur sa situation financière de l’Algérie, elle n’entraine pas moins des conséquences, préjudiciables à la fois à son économie et à sa population, compte tenu des échanges commerciaux de biens et services avec ces pays. C’est par ce biais que l’Algérie se trouve exposée aux effets de cette crise.
La crise financière a donc eu un impact sur la sphère économique réelle en Algérie ?
– Quant aux investissements directs étrangers, il y a stagnation voire régression dans la sphère productive hors hydrocarbures. Sur le plan des causes de cette situation, il est difficile de faire la part des choses entre l’insécurité dans le pays, la LFC qui impose 51% de participation algérienne, et les conditions de crédit à la fois restrictives et onéreuses des banques étrangères du fait de la crise.
Cela étant, si le pays n’améliore pas le climat des affaires, car il est actuellement à la traine des classements internationaux dans ce domaine, le risque de désinvestissement est inéluctable.
– Les variations du taux de change du dollar (monnaie de paiement de ses exportations d’hydrocarbures) par rapport à l’euro (monnaie de paiement de la majeure partie de ses importations, lui ont été globalement défavorables. Cette situation perdurera compte tenu de la dette américaine laquelle tire vers le bas le dollar, et de la dépendance de l’économie algérienne à l’égard de la zone euro. Le salut viendra de la conquête du marché intérieur par les entreprises algériennes, publiques et privées et de la diversification des approvisionnements nationaux hors de la zone euro
Et quel est l’impact sur la population ?
Cela étant, l’endettement des pays partenaires a entraîné une inflation et un renchérissement des crédits. La population paie ainsi plus cher les biens et services importés, heureusement subventionnés en partie, s’agissant des produits alimentaires de première nécessité.Le pire est à venir avec la libéralisation des importations aussi bien avec l’Union Européenne ou, plus largement, qu’avec l’OMC- avec lesquels on négocie le démantèlement des barrières tarifaires- qui entrainera inévitablement, si non mise à niveau, la marginalisation de la production nationale. Ce qu’on observe aujourd’hui dans l’industrie manufacturière, notamment textile, qui représente moins de 5% du PIB alors qu’elle avait atteint près de 20 % dans les années 80, risque de toucher également les autres segments de l’économie.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’ai toujours préconisé une stratégie de substitution des importations avec un programme d’exonération d’impôts et d’encouragements fiscaux et une protection ciblée de la production nationale publique et privée non compétitive, Car il faut savoir que la concurrence des pays étrangers est déloyale. Tout en dressant chez eux des barrières tarifaires et non tarifaires à nos produits, ces pays détruisent en même temps notre industrie et notre agriculture en soutenant leurs exportations à coups de subventions, de crédits déguisés et de dévaluations monétaires.
Pour atténuer les effets de la crise sur l’Algérie à cours et moyen terme, quel serait le rôle de l’Etat ?
Je dois dire que, comme pompier, l’Etat est performant pour atténuer la crise sociale et sa propagation.
De mon point de vue, le système actuel doit évoluer rapidement pour éviter à l’Algérie de devenir un pays périphérique instable, exclu du nouvel ordre économique mondial qui s’articule autour de l’Europe, des Etats Unies et des pays émergents (dont le BRIC : Brésil, Russie, Inde, Chine).
Cette évolution, je la conçois dans l’élaboration d’une nouvelle politique économique, qui renforce le front intérieur face à la mondialisation prédatrice, avec une stratégie de mise en œuvre basée sur la décentralisation et l’autonomie des acteurs économiques.
Les éléments constitutifs de cette politique s’appuient sur une double ouverture :
– Au plan interne, en finir avec une économie administrée, en décrétant l’autonomie effective de l’entreprise publique et la liberté d’entreprendre du secteur privé, avec les facilités de création et de financement de leurs activités, ainsi que la décentralisation locale avec une réforme fiscale dotant les collectivités d’une réelle autonomie administrative et financière.
– Au plan externe, organiser la libéralisation progressive des importations dans les secteurs de production aval, en mesure de supporter la compétition, et la préservation des secteurs stratégiques, situés en amont et au niveau intermédiaire, car facteurs d’entrainement de l’économie et sources de développement.
De toute évidence, nous avons besoin d’une vision de ces secteurs stratégiques pour assurer notre indépendance à long terme. Dans cette perspective, l’urgence de doter notre pays d’une nouvelle ambition industrielle, sur la base des avantages comparatifs des différentes filières, et l’impératif d’assurer par la production nationale les besoins alimentaires de base de la population, notamment en céréales, devraient faire consensus.
Sur le plan géographique, la conquête du marché intérieur gagnerait à intégrer la dimension maghrébine, en exploitant au mieux les complémentarités dans la perspective d’une ouverture progressive au marché international.
En tant qu’Expert auprès des Nations Unies ne pensez-vous pas que pour faire face à la crise mondiale, des changements doivent être apportés à nos institutions ?
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