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jeudi 25 avril 2013

Entretien avec Brahim Tazaghart
militant du Mouvement amazigh et auteur

à l’occasion d’une journée d’études recommandant la tenue d’une Conférence nationale autour des questions linguistiques

Chafaa Bouaïche
la Nation info
le 24 Avril 2013

Dans quel contexte intervient la célébration du printemps amazigh de cette année 2013 ?

Brahim Tazaghart Le printemps amazigh de cette année intervient dans un moment particulier. En premier lieu, il y’a la continuité de ce que la presse désigne sous le vocable de « printemps arabe » avec la persistance des événements en Syrie ; en second lieu, il y’a l’annonce de la révision constitutionnelle qui va intervenir prochainement, et en troisième lieu, il y’a l’élection présidentielle d’avril 2014 qui va coïncider avec le 34ème anniversaire des événements de 1980.
Vous voyez, la célébration de cette année, et à plus d’un titre, particulière…

Avant d’avancer, quel bilan faites-vous en ce 33ème anniversaire ?

Brahim Tazaghart L’irruption de la population sur la scène publique en 1980, la formulation rationnelle de la revendication amazighe et son articulation à la demande démocratique constituent des moments essentiels de notre histoire postcoloniale. À ce sujet, il faut réaffirmer le rôle du printemps amazigh dans le renforcement du mouvement démocratique qui avait atteint sa maturation avec les événements d’octobre 1988 et l’ouverture des champs politique et médiatique qui a suivi.

Il faut reconnaitre, avec bonheur, que malgré le fait que le pouvoir, dans son aveuglement politique, avait utilisé l’islam et la langue arabe pour combattre la revendication amazighe, la majorité du peuple algérien a fini par sortir du conditionnement et faire sienne cette demande.

Aujourd’hui, Tamazight fait partie du paysage linguistique, culturel, médiatique de notre pays.

La lutte incessante de plusieurs générations de militantes et militants a fini par payer. En 1990, trois jours avant le rassemblement du 25 janvier devant l’APN, le gouvernement de M. Mouloud Hamrouche avait annoncé la création de l’institut de langue et de culture amazigh à l’université de Tizi-Ouzou. Suite au boycott de l’année scolaire 1994-95, tamazight avait intégré l’école et le Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA), institution chargée de sa réhabilitation, fut crée. En 1996, Tamazight apparait dans le préambule de la constitution comme élément de l’identité nationale. En 2002, en plein printemps citoyen, elle est reconnue, pour la première fois de son histoire, comme langue nationale en vertu de l’article 3 bis.

Seulement, force est de constater qu’aucun texte de mise en œuvre de cette reconnaissance n’a été promulgué. Plus grave encore, des décrets qui font obstacle à la promotion de l’amazighité sont toujours en vigueur. Je parle du décret portant arabisation de l’environnement qui doit être enrichi ou abrogé, du décret portant code de l’état civil… À cela, il faut signaler le refus du législateur de faire à tamazight une place dans l’article 178 comme constante nationale. Fait qui ne la sécurise nullement et qui maintient ses défenseurs sous pressions.
L’enseignement quant à lui reste expérimental après 18 de son entame. Il est facultatif et point généralisé. Plus grave encore, de 15 wilayas en 1995, et au lieu de gagner de plus en plus d’espace, Tamazight est enseignée aujourd’hui dans 10 wilayas avec les wilayas d’Alger et Bordj Bou Arreridj qui ne disposent que d’un enseignant chacune !!
Face à cette situation intenable, il est plus que temps de réagir….

À cet effet, le Front des Forces Socialistes a organisé une journée d’étude sur tamazight que vous avez présentée…

Brahim Tazaghart Oui, la direction du FFS m’a sollicité pour contribuer à l’organisation d’une journée d’étude sous le slogan “« Tamazight facteur d’intégration nationale et maghrébine »”. C’est avec un immense plaisir que j’ai participé à la conception et à l’animation de cette rencontre rehaussée par la présence de Mme Meryam Demnati du Maroc et de M. Mahmoud Abekkouche de Libye. En plus de ces deux amis, nous aurions aimé recevoir quelqu’un de la Tunisie, mais ce n’est que partie remise. Lors de cette journée d’étude, nous avons tenu à mettre en évidence la dimension Nord Africaine de la question amazighe, d’autant plus que tamazight est langue officielle au Maroc et va le devenir prochainement en Libye.

Par la suite, nous avons tenté de cerner la situation de l’amazighophonie et de l’amazighité dans notre pays, essentiellement en Kabylie et dans le M’zab.
Durant les travaux, la qualité des intervenants : le Pr Kacher, le Pr Mestfaoui, le Dr Salhi et les autres, a permis de dresser un état de lieux profitable, avec des éclairages indispensables pour une meilleure visibilité. Tamazight dans la constitution, dans les médias, à l’université, à l’école…

Un bilan en somme …

Brahim Tazaghart La modernité politique impose d’établir à chaque étape de la lutte un bilan en mesure de permettre des perspectives viables. Nous avons essayé de le faire, avec l’espoir que d’autres vont aller dans la même direction. C’est la seule façon d’être dans le réel et d’éviter diversion et égarement qui guettent souvent les luttes et leurs meneurs.

D’un autre coté, il faut dire qu’avec cette rencontre riche en débats, le FFS, principale force d’opposition démocratique en Algérie, a replacé tamazight dans le champ politique national avec comme mission essentielle la contribution à l’intégration nationale et nord africaine. C’est là une ambition à la hauteur du parti, du pays et de la région.

Seulement, force est d’admettre que tamazight ne peut remplir cette mission sans qu’elle soit rétablie dans ses droits légitimes et en premier, son élévation au statut de langue officielle.

Pourquoi le choix du slogan « Tamazight facteur d’intégration nationale et maghrébine » ?

Brahim Tazaghart Incontestablement, nous sommes à la croisée des chemins. Tamazight sera un facteur d’intégration nationale ou un facteur de désintégration ! Il n’y a pas de position médiane possible. Il faut se voiler la face et faire preuve de naïveté politique pour ne pas saisir cela.

Autour de nous, le monde bouge, il est comme sur un volcan. Les répliques peuvent être très dangereuses sur l’avenir de notre pays. Cela, d’autant plus que le pouvoir en place cherche plus son maintien que la pérennité de l’Etat qu’il lie maladroitement à son sort.

La vigilance nous dicte de ne pas perdre de vue que l’utilisation de l’Islam à des fins politiques nous a occasionné plus de 150 000 morts.
L’instrumentalisation de tamazight sera, sans aucun doute, une hécatombe.

Vous liez la question amazighe au printemps arabe ?

Brahim Tazaghart Ce que vous nommez printemps arabe nous concerne, nous implique directement, d’autant plus qu’il est parti de Tunisie. Nous ne pouvons pas échapper à sa face négative faite de violence et de drame de sang sans engager un grand chantier de changement de gouvernance.

Le changement sera le produit de notre action en tant que forces de changement ou bien il nous sera imposé de l’extérieur, ce qui sera dramatique.
Il faut observer, d’ailleurs, qu’au moment même ou dans le nord, l’Europe s’unie pour éviter d’être définitivement déclassée par les USA et la Chine engagés dans une course implacable, les pays d’Afrique et du monde arabe se précipitent, têtes baissées, vers la fragmentation, préparant leur « douce » recolonisation et leur mise sous tutelle.
Nous sommes conscients des enjeux et de la sensibilité du moment historique.

Fidèle à l’esprit d’Avril 1980, le Mouvement amazigh ne peut s’installer dans cette perspective sans se remettre en cause et sans renier les sacrifices inestimables de ses militants. Kamal Amzal, assassiné par les salafistes en 1981, n’accepterait jamais de servir l’offensive impérialiste enveloppée sous le couvert de la fin de l’histoire et de la guerre des religieux et des identités !
C’est loin d’être cohérent que d’être séduit par l’occident et de rompre au même temps avec l’esprit républicain et l’humanisme qui prévaut chez lui et qui fait sa force.

Comment peut-on réagir face à cette situation ?

Brahim Tazaghart Anticiper sur les événements pour ne pas les subir. Demain se fera aujourd’hui comme dit l’adage.
Ceux qui sont éblouis actuellement par un « radicalisme Kabyle sectaire » peuvent nous imposer une intégration négative du dit printemps arabe, avec toutes les conséquences dramatiques que cette perspective peut induire. L’internationale terroriste et d’autres forces embusquées dans les ténèbres n’attendent que ça !
Or, comme peuple de paix et hommes libres, nous devons travailler à privilégier une intégration positive qui fera notre salut. L’intégration positive c’est le travail sans relâche à la construction d’un rapport de force favorable à un changement pacifique et démocratique, imaginé ici et maintenant ! Le premier axe est celui de renforcer l’algérianité en donnant tous les moyens aux langues algériennes afin qu’elles se développent dans l’harmonie.

Revenant à la rencontre, vous êtes sortis avec la recommandation d’une conférence nationale sur la question des langues en Algérie.

Brahim Tazaghart Effectivement, nous sommes sortis avec la recommandation d’une conférence nationale sur la question des langues. Il s’agit de penser, de débattre et de proposer une politique linguistique pour notre pays. Définir les statuts, les fonctions, les moyens à mettre au service des langues arabe et tamazight qui sont les langues de la nation, mais aussi, discuter de la place des langues étrangères qui permettent notre relation avec le monde, la science et le développement.
Tamazight langue officielle doit faire l’objet d’un consensus entre l’ensemble des forces sociales et politiques conscientes de leur algérianité et des défis à relever pour placer le pays sur la voie du progrès. La conférence nationale peut être un moment idéal pour le réaliser.
Dans ce sens, je crois que toutes les élites doivent s’impliquer dans ce combat. Il est aisé d’observer que l’élite française avait soutenue la guerre d’Algérie avec le manifeste des 121, alors que l’élite nationale, dans sa majorité, observe un silence lourd et une attitude défensive face à la revendication amazighe.
Il est temps de se secouer et de réagir.

Êtes-vous optimiste ?

Brahim Tazaghart Je suis réaliste. Tamazight sera langue officielle. Comme conséquence, la langue arabe, libérée d’une dualité injustifiée, s’épanouira davantage. À cet instant précis, il faut mettre en place une politique d’échange et de traduction entre ces deux langues au bonheur de la culture nationale.


aktouf

Omar Aktouf. économiste

«La seule ‘‘stabilité’’ semble être celle des gains et privilèges des gens du pouvoir et de leurs clientèles»

Professeur en management à HEC Montréal (Canada), Omar Aktouf n’est plus à présenter. Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, l’économiste connu et reconnu dans le monde entier tire la sonnette d’alarme sur les dangers qui guettent l’Algérie. Pour lui, le chômage abyssal des jeunes sur fond de développement d’une caste d’affairistes et fortunés aux revenus aussi insensés que douteux sont des ingrédients d’une révolte annoncée, d’autant que, regrette-t-il, rien n’indique que le régime actuel ait tiré une quelconque leçon de ce qui est arrivé en Tunisie, Egypte… et aujourd’hui en Syrie ou en Ukraine. Bien au contraire.

-La candidature «muette» de Bouteflika à sa propre succession pour un quatrième mandat a plongé l’Algérie dans un climat d’incertitudes. Pourtant, notre diaspora à l’étranger, loin d’être négligeable, reste étrangement placide. Pourquoi ?

Personnellement, je ne dirais pas que notre diaspora est «placide», mais plutôt qu’elle est (tout comme moi-même, en fait) profondément atterrée et tétanisée devant l’ampleur inouïe de la gabegie et de l’ubuesque qui atteignent aujourd’hui notre pays, devenu la risée mondiale. Je pense aussi que notre diaspora reste les bras ballants devant l’extrême timidité (pour ne pas dire silence total) de ladite «communauté internationale» face à ces tréfonds de bafouage de la démocratie qui frappent l’Algérie (alors qu’elle se déchaîne par ailleurs à propos de ce qui se passe en Ukraine, Iran et autres Venezuela). Notre diaspora me semble également profondément perplexe, sinon au comble de la déception et du désenchantement devant l’apathie (même s’il y a çà et là de relatives protestations et manifestations isolées) dont font preuve nos «élites» de la société civile «établie», qu’elles soient intellectuelles ou, surtout à mon avis, institutionnelles-corporatistes du genre FCE et ses think-tanks, associations «progressistes» diverses, cohortes d’«experts internationaux» nationaux abonnés aux séjours en Algérie.

Ces «élites» qui, souvent, n’hésitent pas à se positionner en parangons de la modernisation de l’Algérie, de sa mise à niveau «démocratique» et «business-stratégique», se voulant au diapason des nations les plus «évoluées», se révèlent finalement (sans généraliser, il y a évidemment des exceptions) bien plus opportunistes et prêtes à s’accommoder de n’importe quel Néron, Staline, Tartarin, ou même fantôme à la tête du pays. Et ce, en plus des cliques, galonnées ou non, qui gravitent autour et qui assurent la pérennité des magouilles, appuis occultes et passe-droits, nid de bien des «affaires» juteuses.

Le sort du pays et du peuple n’a jamais fait partie de leurs préoccupations en dépit des discours poujadistes-populistes dont ces milieux font preuve à l’occasion, pourvu que soit garantie la continuité de leur confortable affairisme et de leurs intérêts égoïstes immédiats. Ceux-ci sont par ailleurs largement présentés (et opportunément relayés par certains médias aux ordres, vulgate ultra-libérale aidant), comme synonymes de l’intérêt général, de sources de progrès économiques et sociaux, de créations d’emplois, de développement collectif… Sinon de propulsion du pays au rang de «l’émergence» grâce à une miraculeuse éclosion de salutaires héros-entrepreneurs-leaders qui méritent, en plus de leur enrichissement personnel infini, vénération, adulation et reconnaissance (ce dont on voit les résultats par exemple au Mexique où se trouve le second homme le plus riche du monde et 45% de la population en pauvreté absolue).

La persistance de ce genre de pensée chez nos «élites» économiques (ainsi que chez certains médias, certaines franges de la société civile), malgré les cuisants échecs du néolibéralisme — et ipso facto des modes de gouvernance — management qui l’accompagnent —, donne pour nous une amère impression d’aveuglement dogmatique ultra libéral. Dogmatisme devenu non seulement stupide mais désormais criminel (comme le répètent inlassablement, entre autres, des Nobel tels que Stiglitz, Krugman, ou des R. Reich, Al Gore, etc.).

A cette impression d’aveuglement doublée d’ignorance volontaire de toute autre forme de pensée que néolibérale, vient s’ajouter celle de l’emprise d’un pur et simple arrivisme-opportunisme fortement appuyé sur un désastreux (et fort lucratif pour ceux qui en profitent) statu quo théorique et idéologique, s’acharnant à ressasser les mêmes leitmotiv : ce qui fait le boulimique intérêt des dominants ferait aussi, automatiquement et par on ne sait quelle vertu de pensée magique, celui des masses populaires. Faire sans cesse plus de néolibéralisme est non seulement censé guérir les maux issus de ce même néolibéralisme, mais aussi propulser vers de radieux lendemains de «changements et progrès».

Pour finir sur cette question, il me semble qu’il est un autre aspect de fort grande importance : ne pas oublier qu’une partie (largement) non négligeable de notre diaspora entretient de bien juteuses relations de business avec le système Algérie tel qu’il est et a presque toujours été, Bouteflika ou pas : ce sont les intermédiaires de tous poils, les représentants de multinationales, les «consultants» en tout et rien, les innombrables vecteurs de ristournes et rétro-commissions, les omnipotents experts importateurs de «modèles occidentaux avancés» qui viennent donner un salutaire adoubement «scientifique» aux plus douteuses des pratiques d’enrichissements illimités, sinon de lavage d’argent public, d’évasion fiscale, d’exploitation infinie des citoyens et de la nature (la sempiternelle «stratégie de la compétitivité»)… Cette diaspora-là, par ailleurs la plus visible au pays, ne dénoncera jamais ni ne se lèvera contre qui que ce soit au pouvoir en Algérie tant que les poches des uns et des autres se remplissent.

-Qu’est-ce qui fait courir, selon vous, les adeptes du 4e mandat ? Est-ce pour maintenir un système de prédation ou pour, comme ils le prêchent, garantir la stabilité et le progrès économique ?

Un certain Einstein répétait que «Refaire constamment les mêmes choses et clamer ou espérer qu’il en résultera le changement, relève soit de la bêtise soit de la folie». Voilà un des aspects sur lesquels ce régime Bouteflika qui n’a cessé de promettre emplois pour les jeunes, justice sociale, transparence des institutions, Etat de droit, solidarité nationale… a, plus que les autres (car il avait le recul et le temps d’en voir les dégâts mondiaux, et cela jusqu’aux portes mêmes de l’Algérie, en Europe) gravement failli, autant socialement qu’économiquement et politiquement. Il est gravement coupable de ne pas avoir compris (ou refusé de comprendre) que s’imposait d’urgence une totale rupture avec les doctrines néolibérales et un virage radical vers des «modèles» quasiment aux antipodes du modèle libéral-US, et qui ont largement et constamment fait leurs preuves : ceux de l’Europe du Nord et des Tigres et Dragons asiatiques.

J’insiste sur ce point, car partout ce sont les milieux d’affaires-faiseurs d’argent (money makers comme on dit sans hypocrisie ni complexe en langue anglaise) qui sont présentés (et se présentent) comme des super-élites philanthropiques, preux chevaliers sauveurs des peuples, du bon droit, de la démocratie, de l’économie, du bien-être général, du «progrès». Et c’est bien ce que l’on voit chez nous : cette super-élite de money makers est, à grands renforts de triomphants think-tanks et super «experts» made in US ou France…, ainsi présentée et imposée aux Algériens. Le résultat est que notre peuple, intellectuels et institutions de la société civile compris, finit par être dupe de ce discours, et même par s’en approprier les principes idéologiques érigés en haute science.

C’est alors que peuple et société civile apparaissent finalement, et malgré les sporadiques protestations, à la diaspora comme tout aussi tétanisés qu’elle, las, fatigués d’années de violences et de sang, en plus d’être «achetés» par manne pétrolière interposée, embrigadés, muselés, férocement réprimés à la moindre manifestation ; bref, impuissants et n’aspirant qu’à une chose : décrocher un visa pour l’étranger et fuir une patrie qui leur échappe de toutes parts.

-Quel scénario voyez-vous pour l’après-17 avril 2014 ? Un «printemps algérien» serait-il inéluctable ?

Je dirais que personnellement je crains, hélas, autant un avant le 17 avril qu’un après, bien que je souhaite ardemment me tromper. Car, malheureusement, tous les ingrédients (et même plus) qui ont conduit au déclenchement desdits printemps arabes semblent réunis : chômage abyssal des jeunes ; fortunes et revenus aussi insensés que douteux de nos nouveaux super riches (une quarantaine de milliardaires et cinq milliers de millionnaires en euros connus !) dont certains figurent dans les «top 500» du monde ; ampleurs sans précédent des inégalités et injustices qui en découlent ; absence endémique de perspectives pour la jeunesse ; catastrophique Education nationale ; multitudes de diplômés chômeurs ; inflation hors contrôle ; revenus d’exportations (qui ne sont qu’hydrocarbures) en baisse à cause des chutes des prix mondiaux et des produits de schistes ; importations en hausse à cause des spéculations internationales sur tous les produits de premières nécessité ; «Etat» qui n’est plus que chaise musicale de rentiers, scandales, couverture de méga corruption, figuration bureaucratique sclérosée, comité de gestion des intérêts de ses kidnappeurs de l’ombre et de la nouvelle classe dominante d’arrivistes qui s’y accrochent ; agriculture sinistrée ; industrie, infrastructures, PIB… ridiculement anémiques, même comparés à des nains comme la Malaisie ; secteur privé largement extraverti avec des entreprises (statistiques désormais dépassées sans doute) dont 68% des chefs ne déclarent pas leurs salariés aux caisses de sécurité sociale, 72% les rémunèrent en dessous du SNMG, 55% les font travailler 12 heures par jour ; des centaines de jacqueries populaires un peu partout pratiquement tous les mois ; conflits sociaux qui virent aux affrontements ethniques sanglants (région du M’zab par exemple)…

Ne voilà-t-il pas une dangereuse accumulation d’ingrédients d’une bombe à retardement qui n’attend que l’étincelle fatidique ? Craignons, à Dieu ne plaise, que ce ne soit cette grotesque candidature fantomatique, avant ou après le 17 avril. Il est connu en sociologie politique que lorsqu’environ 25% d’une population est spoliée au point de ne plus rien avoir à perdre, la révolution n’est pas loin. Reste à espérer qu’elle ne soit point sanglante, ou que nos «élites» et dirigeants/dominants se mettent de toute urgence à vraiment changer les choses et appliquer ce conseil de Machiavel : «Prince, si tu crains la révolution, fais-la !». Hélas ! Je ne peux être de ceux qui clament «la stabilité» du pays comme synonyme du règne de l’actuelle présidence. Je ne vois personnellement que stagnations et reculs, la seule «stabilité» semble être celle des gains et privilèges de nos gens du pouvoir et de leurs clientèles, autant intérieures qu’extérieures. Nous ne sommes en effet pas du tout à l’abri d’un printemps algérien. Je ne vois nulle part qu’on ait tiré une quelconque leçon de ce qui est arrivé en Tunisie, Egypte… et aujourd’hui en Syrie ou Ukraine. Bien au contraire.

-Ce climat politique délétère ne risque-t-il pas d’avoir des conséquences gravissimes au plan économique, notamment sur la confiance dont notre pays a plus que jamais besoin auprès de ses partenaires étrangers, des institutions et des marchés financiers ?

Le climat délétère dont on parle ne fera, à mon sens, qu’aggraver un manque de confiance déjà «structurel» qui accable l’Algérie depuis des années. Sa cote dans le monde est déjà bien basse : que de lamentables classements dans les indicateurs internationaux de sérieux, de qualité de vie, de gouvernance. Rien de nouveau sous le soleil, si ce n’est d’autres nuages qui s’accumulent dans notre ciel, et dont notre pays se serait bien passé. Ma position sur la question des partenaires étrangers et des institutions internationales (les FMI, Banque mondiale, OMC…) a toujours été limpide : rien de bon pour les pays non nantis et tout pour les pays riches et les riches des pays pauvres.

Ce que le dernier Davos, l’OIT, Oxfam… viennent de confirmer en montrant comment ces institutions et leur néolibéralisme entêté conduisent à la mainmise de la finance sur les Etats, l’aggravation de la pauvreté globale, l’enrichissement insolent des multinationales, le saccage du tiers-monde, l’hyperconcentration stérile des richesses (85 personnes possèdent l’équivalent de l’avoir de la moitié de la planète, 400 citoyens américains possèdent plus de richesses que la moitié de la population US, etc.), la destruction des classes moyennes, la dévastation de la nature… Que ces institutions se tiennent loin de l’Algérie ne me pose aucun problème, au contraire ! Quant aux investisseurs étrangers et aux marchés financiers, on voit bien les résultats de leurs actions un peu partout (à commencer par le chaos argentin de 2003 et à finir par la déroute de l’Europe en voie d’être classée — hors Allemagne —, comme ensemble de «pays émergents» et une France «sous surveillance»).

Les investisseurs ne cherchent qu’à retirer toujours plus que ce qu’ils mettent, quitte à corrompre, spolier, déplacer des populations, polluer, semer la misère, voire la mort et les génocides (région des grands lacs en Afrique subsaharienne, notamment). Les marchés financiers ne sont pratiquement que spéculation, argent sale, évasions fiscales (manipulation de la dette grecque par Goldman Sachs, survaleur titanesque de Facebook, Microsoft, Google…, gigantesques magouilles fiscales et monétaires de McDonald, Starbucks, Barclay…). Pour moi, l’Algérie doit d’abord se sortir de sa tenace image d’absence de sérieux, d’incessant bricolage politico-économique, et ensuite rompre d’urgence avec l’économisme néolibéral et ses sous-produits assassins : le «stratégisme-managérialisme» à l’américaine.

Regardons vite du côté de pays qui ont brillamment réussi «autrement», comme les Tigres et Dragons asiatiques, dont la minuscule Malaisie (double du PIB algérien, moitié de la taille de la France). Cette question renvoie à celle des institutions et leur fonctionnement. Or, ce que l’on voit le plus en Algérie c’est une agitation frénétique autour de l’importation de modes, programmes et diplômes (MBA, DBA…) qui ne sont que techniques, how-to, simples procédures de niveau méso et micro : ce qui se retrouve derrière des théories et pratiques traitant de «stratégie», «management», «gouvernance»… Tout cela n’est que «techniques» ou modalités opératoires absurdes en soi, manquant cruellement de perspective autres que le fait de «prendre soin de l’argent» et le multiplier à n’importe quel prix. Ce dont nous manquons le plus, c’est de vision macro, de paradigme, de finalité, de sens et de raisons quant à ce que nous faisons en guise d’activités dites économiques. Pour qui ? Pourquoi ? Pour quel projet de société ? Quelle communauté humaine ? Quel niveau de vie et pour qui ? Aucun «how-to» ne répond à ces questions fondamentales. La multiplication des écoles de gestion à la US (que du «how-to») et des diplômés de ces écoles temples du néolibéralisme ne feront qu’aggraver les choses, point ! Une constituante serait ici fort utile pour établir un projet de société et dire si notre peuple veut une Algérie à la US ou non.

-L’Algérie est très mal classée dans de nombreux domaines socio-économiques au moment où le Premier ministre Sellal sillonne le pays en louant les grandes réalisation du Président-candiadat. Un changement de cap est-il inélucatble ?

Ce sont des statistiques et des faits dévastateurs pour notre pays. Elles ne font que confirmer ce que l’on atteint à foncer tête baissée dans les affres du néolibéralisme et du désormais létal modèle US qui a été utile et efficace en un temps passé, mais qui n’est plus que criminels boursicotages et châteaux de cartes financiers sur le dos des classes moyennes, de la nature et du salariat (voir Inequality for all de R. Reich et Inconvenient truth de Al Gore…). Ce ne sont pas là les «réalisations» de notre seul Président-candidat actuel, elles découlent de politiques économiques faites de bric et de broc et de fantaisistes revirements d’incompétents depuis quasiment l’indépendance de notre pays.

De plus, depuis l’ère de notre «ouverture» au capitalisme et la mondialisation néolibérale, l’Algérie a tout abdiqué au dieu marché autorégulé («institution qui n’a ni cœur ni cerveau» comme disait le Nobel Paul Samuelson). Ce sera donc ma conclusion : confier le destin de pays et peuples à un prétendu «libre marché» n’est que dénaturation de l’Etat devenu repaire de businessmen et vassal d’un nouveau clergé imposant les desiderata du business comme «sciences», «ordre naturel des choses». Or, les forces du business mènent, lorsque non surveillées et encadrées (elles le sont, avec les résultats qu’on connaît, en Allemagne, Suède, Japon, Malaisie, Corée du Sud…) inéluctablement aux corruptions (les lobbies US ne sont qu’hyper corruption légalisée), aux scandales, aux injustices, aux inégalités, à l’épuisement accéléré de la nature. Il n’est pas trop tard pour l’Algérie pour changer de cap, mais le temps joue terriblement contre nous.

Naima Benouaret
in El Watan, 10 mars 2014


Hocine Aït-Ahmed: «Notre peuple ne doit pas oublier qu’il a déjà su être un exemple de libération et d’indépendance »

18 novembre, 2011

Message de Hocine Aït-Ahmed au Conseil national du FFS, réuni le 18 novembre 2011

Ikhwani, akhawati salami alaykoum

Cher (e)s camarades, cher (e) s ami (e)s, cher (e)s compatriotes,

Il  y a un temps pour toute chose en politique.

La crise nationale arrive à un point de non retour. A la veille du 50ème anniversaire de l’Indépendance nationale, les potentialités et les rêves qui ont porté la révolution algérienne ont été détruits par les dérives accumulées par le pouvoir.

Aujourd’hui, nous arrivons avec plus de blessures que de promesses réalisées. C’est le résultat d’une politique de mépris. De tous les mépris: mépris de la liberté, mépris de la concertation, mépris du travail en commun, mépris des règles et des lois qui ordonnent et organisent l’action collective.

Chacun de nous sent intimement, instinctivement que nous sommes, en tant que société, largement atteints par l’action et les dérives du pouvoir. Nous avons le devoir de dénoncer chacune d’entre elles.

Une violence extrême a été infligée au peuple algérien pour imposer des choix et des options politiques et économiques désastreux. Des choix qui hypothèquent et compromettent notre avenir mais aussi celui des générations futures.

Les actes d’aujourd’hui ont leur prolongement dans la société de demain. C’est pour cela que nous devons appréhender l’étape actuelle pour ce qu’elle représente. Un défi majeur, un enjeu vital.

Nous avons l’obligation de nous organiser en conséquence pour faire face, en conscience de l’extrême modestie de nos moyens mais avec l’ambition de porter notre part de la lutte démocratique et pacifique des Algériens pour un Etat de droit, pour le respect des libertés publiques, pour la solidarité, pour la justice sociale.

Cher (e) s amis,  cher (e ) s  camarades,

Les forces compradores qui ont confisqué l’indépendance algérienne veulent réaménager la façade d’un pouvoir de violence et de prédation et ainsi lui donner un vernis démocratique.

Nous avons le devoir de nous y opposer démocratiquement et pacifiquement en mobilisant les énergies capables de nouer entre les militants du parti un contrat éthique et politique, qui les mette en mesure de le proposer aux Algériens et aux Algériennes demain.

Cette lutte marathonienne nécessite courage et constance dans l’action. C’est pourquoi je rends hommage à l’ensemble des militants, aux responsables et aux élus qui continuent de s’investir au quotidien.

C’est pourquoi j’exprime également mon estime et ma considération à Karim Tabbou. Sa «grinta spanioulia» bien de chez nous mais aussi la force de conviction et le sens politique qu’il a démontré dans l’exercice de ses fonctions de Premier secrétaire le promettent à un bel avenir dans le parti.

Chers camarades,

Aujourd’hui, vous et moi mesurons pleinement les exigences du temps politique. Les chantiers sont nombreux, parfois immenses; les obstacles considérables, les échéances sont là.

Voici venue l’heure des plus durs efforts. Nous devons rester fidèles à nos engagements primordiaux et assumer nos principes. Renouveler nos méthodes avec intelligence et imagination politique.

Nous devons, plus que jamais, faire preuve de lucidité, de maitrise individuelle et collective. Agir dans la liberté mais aussi dans la discipline et la responsabilité.

Pour ma part, la feuille de route du parti m’apparait clairement: des mesures immédiates doivent être prises pour permettre de développer notre action politique et aborder les échéances à venir  dans de bonnes conditions.

C’est pour quoi, en vertu des pouvoirs que me confèrent les statuts du parti, je décide le report du 5ème Congrès et la tenue d’une Convention nationale. Celle-ci permettra le débat le plus large et le plus libre autour des échéances électorales à venir. Et le consensus le plus fort pour la prise de décision.

Je nomme également le camarade Ali Laskri comme Premier secrétaire avec pour mission de rassembler les énergies du parti. J’ai pleinement confiance dans son aptitude à mener à bien cette mission.

Le prochain congrès du FFS sera un moment décisif pour le parti et un événement national dans le pays. Nous nous donnerons le temps et les moyens de le réussir en le plaçant sous le signe du «Changement patriotique, démocratique, pacifique et respectueux de la souveraineté populaire et nationale». J’ai la certitude morale et la conviction que ce changement est inéluctable pour notre pays.

Cher (e) s ami (e ) s

Notre peuple ne doit pas oublier qu’il a déjà su être un exemple de libération et d’indépendance.

Merci.

Je vous embrasse.


élection d’une Assemblée constituante en Tunisie : Coup d’envoi d’une campagne historique

Le compte à rebours pour l’élection du 23 octobre en Tunisie a commencé samedi avec le lancement officiel de la campagne électorale, à laquelle participent des dizaines de partis et de formations, une première historique après des décennies de dictature et de parti unique.

Premier pays du Printemps arabe, la Tunisie sera aussi la première à se rendre aux urnes pour élire une Assemblée constituante neuf mois après la chute du régime de Zine El Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir le 14 janvier par un
. «Rendez-vous avec l’histoire», «Dernière ligne droite», titraient samedi les quotidiens francophones pour saluer l’entrée officielle du pays en campagne, dans une atmosphère effervescente. A Tunis, dès le matin, des militants et sympathisants se sont attelés à coller des portraits des têtes de liste sur les panneaux muraux réservés à la campagne officielle, et de nombreux passants s’arrêtaient pour détailler les listes en lice. Elus à la proportionnelle au plus fort reste, les 217 membres de la future Constituante auront la charge de rédiger une nouvelle Constitution. Plusieurs partis ont prévu des conférences de presse ou meetings.

Le mouvement islamiste Ennahda, considéré comme le grand favori du scrutin, a très symboliquement choisi la ville de Sidi Bouzid (centre), berceau de la révolution tunisienne, pour lancer sa campagne. Durement réprimés sous Ben Ali, les islamistes bénéficient d’un capital de sympathie dû à leur passé d’opposant, mais «ce ne sont pas eux qui ont fait la révolution», rappellent régulièrement leurs détracteurs.

11 000 candidats pour 217 sièges

La campagne démarre également sur les médias nationaux, qui ont commencé à diffuser les 3 minutes de message électoral octroyées à un représentant de chaque liste. Au total, l’électeur tunisien est susceptible d’entendre trois heures de messages politiques par jour, calculait récemment un responsable de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Car l’offre politique pour ces premières élections post-Ben Ali est pléthorique : quelque 1500 listes, soit près de 11 000 candidats, se présentent dans les 27 circonscriptions de Tunisie.

Parmi elles, près de 800 représentent des partis et quelque 600 sont indépendantes, le reste des listes étant formées par des coalitions. Face à cette profusion, les Tunisiens restent dubitatifs et indécis, même si les cinq ou six formations politiques historiques devraient rafler le plus gros des sièges de la Constituante, selon les observateurs et les derniers sondages.

AFP

23 ans après les émeutes d’Octobre 1988

Que reste-t-il du processus de réformes ?

Que reste-t- il du train de réformes lancées en réaction au soulèvement du 5 Octobre 1988 ? Très peu, sinon rien, de ce que les Algériens étaient en droit d’attendre en termes de rupture avec le système du parti unique, l’économie dirigée, les entreprises sous tutelle, le monopole syndical et la mainmise du pouvoir sur des médias exclusivement publics.

Que reste-t-il du train de réformes lancées en réaction au soulèvement du 5 Octobre 1988 ? Très peu, sinon rien, de ce que les Algériens étaient en droit d’attendre en termes de rupture avec le système du parti unique, l’économie dirigée, les entreprises sous tutelle, le monopole syndical et la mainmise du pouvoir sur des médias exclusivement publics.
Arrachées au forceps par une équipe restreinte d’hommes politiques et commis de l’Etat qui souhaitaient arrimer le pays sur la vague de démocratisation qui avait déjà atteint de nombreux pays du monde, les réformes de 1988 n’ont malheureusement pas tardé à se heurter à de fortes résistances de la part de certains cercles influents du pouvoir qui voyaient d’un mauvais œil les ouvertures concédées hormis, bien entendu, celle du commerce extérieur qui fera de bon nombre d’entre eux de puissants barons de l’import-export.

Les tirs croisés sur les réformateurs ont, en réalité, commencé dès la mise en œuvre des lois visant l’instauration d’une économie de marché au lieu et place du système rentier et bureaucratique qui avait longtemps prévalu dans l’Algérie socialiste.
La fin des entreprises monopolistes d’Etat, l’autonomie de gestion accordée aux banques et aux entreprises publiques ligotées par leurs tutelles ministérielles, l’octroi de la gestion financière et monétaire du pays à une Banque centrale autonome, la liberté de créer de nouveaux syndicats et partis politiques, le libre exercice du droit syndical et du devoir d’informer n’avaient, à l’évidence, pas de quoi réjouir les tenants du pacte social des années 1970 qui tiraient du système pseudo socialiste en place de nombreux privilèges.

Chasse aux réformateurs

Jamais écartés du pouvoir et, aujourd’hui encore, présents aux plus hauts sommets de l’Etat, de l’armée et de l’administration, ces acteurs ne cesseront de porter des coups de boutoir au processus de réformes qu’ils finiront par torpiller, au point où il n’en reste pratiquement plus rien aujourd’hui. Chacun des chefs de gouvernement désignés après le limogeage des initiateurs des réformes de 1988, Kasdi Merbah et Mouloud Hamrouche , semblait avoir pour mission de lézarder, si ce n’est carrément, remettre en cause les réformes qui dérangeaient le plus. S’ils avaient moins de latitude à le faire durant l’intermède des ajustements structurels où le FMI veillait au bon déroulement des réformes, ceux qui seront placés à la tête du gouvernement à la fin de cette période n’iront pas de main morte pour bloquer toute velléité de réformes, notamment celles allant à l’encontre du système rentier et bureaucratique sur lequel était assis leurs exorbitants pouvoirs et privilèges.

C’est ainsi que dès 1996 furent abrogées les lois sur l’autonomie des entreprises publiques économiques, les Fonds de participations furent dissous, tandis que la loi sur la monnaie et le crédit fut modifiée pour restituer les pouvoirs financiers et monétaires à l’Exécutif gouvernemental aujourd’hui maître de la rente pétrolière.

Des holdings publics avaient été créés à l’effet de privatiser sous l’autorité d’un Conseil autonome les entreprises publiques, mais ce dernier s’étant avéré trop indépendant et rétif à la cession des actifs publics juteux aux seuls pontes du régime, ces derniers seront rapidement dissous pour laisser place à des Sociétés de gestion de participation chargées d’effectuer ce sale boulot sur injonctions à peine voilées des autorités politiques en place. Le résultat des privatisations sera décevant et les conditions, pour le moins contestables dans lesquelles ont été effectuées certaines d’entre elles, rompront le consensus sur la vente des actifs publics qu’il a fallu interrompre pour ne pas exacerber les tensions entre les puissants prétendants à leur acquisition.

Bouteflika met fin aux acquis

L’arrivée de Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999 sonnera le glas des réformes de 1988 qu’il a toujours considérées, en tant que membre de la veille garde du FLN et nostalgique du contrat social des années Boumediene, comme la cause du malheur du pays et des désordres multiformes qui l’affectent. Le soulèvement d’Octobre 1988 n’étant pas à ses yeux un mouvement populaire, mais un événement provoqué par quelques cercles du pouvoir de l’époque, toutes les réformes qui en sont issues seraient, de son point de vue, suspectes et inappropriées aux réelles aspirations du peuple algérien.

A commencer par toutes ces «lois scélérates»  qui ont accordé le droit de créer de nouveaux partis, des syndicats autonomes et des journaux indépendants. Il tentera de torpiller ces organisations en discréditant les partis politiques existants et en refusant d’agréer les nouveaux partis et associations qui en avaient exprimé la demande. Les syndicats autonomes ne seront pas reconnus officiellement et pour ceux qui l’avaient déjà été, les portes de la tripartite sont toujours fermées malgré leur grande capacité de mobilisation. La presse écrite, seule parmi les médias à avoir réussi à s’autonomiser du pouvoir, sera également sa cible.

Il utilisera, entre autres moyens, les tribunaux et la discrimination de l’accès à la manne publicitaire réservée, comme on le sait, aux seuls journaux gouvernementaux et à certains titres privés proches du pouvoir.
Ajouter à ce sombre tableau, le sort réservé aux entreprises privées qui avaient commencé à émerger à la faveur du processus d’ouverture d’octobre 1988. Abdelaziz Bouteflika les privera d’un avantage essentiel que les réformes de 1988 leur avaient accordé. Il s’agit de leur autonomie vis-à-vis du champ politique et de leur libre choix partisan aujourd’hui contraint à la clandestinité.

«Ce n’est aujourd’hui pas bon pour les affaires d’afficher un attachement partisan pour un autre parti que celui de l’Alliance présidentielle», nous affirme un chef d’entreprise privée sous le couvert de l’anonymat. Les patrons sont, en effet, désormais tenus de soutenir les candidatures de Bouteflika à de nouveaux postes présidentiels au risque de redressements fiscaux et autres ennuis judiciaires qu’il est, à l’évidence, facile de leur créer.

Leurs organisations, à l’instar du Forum des chefs d’entreprises et autres associations patronales joueront, on s’en souvient, magnifiquement ce rôle de soutien lorsque Bouteflika avait postulé pour un troisième mandat présidentiel.
Les révolutions, qui secouent le monde arabe et certaines contrées voisines du pays, auront-elles un effet sur ce processus de démantèlement des acquis d’octobre 1988, notamment sur ceux ayant trait à certaines libertés fondamentales, à l’instar de celle d’exercer des activités politiques, syndicales, entrepreneuriales et médiatiques autonomes ?

Si les textes législatifs en préparation (lois électorales, sur les partis, les médias et autres) indiquent bien que le pouvoir est inquiet des mouvements insurrectionnels qui affectent les dictatures arabes, il est, par contre, moins sûr qu’il légiférera sans arrière-pensée pour l’instauration d’une véritable démocratie. L’avènement d’un authentique modèle démocratique sonnerait en effet le glas du système en place et c’est précisément pour cela que l’Exécutif en place fera, à l’évidence, tout pour le retarder.

Nordine Grim

el watan


, le projet d’un Internet hors de tout contrôle

| 30.08.11 | 17h28   •  Mis à jour le 30.08.11 | 18h44

 

Une vingtaine de jeunes gens finalisent un logiciel permettant la création de réseaux sans fil à haut débit 100 % autonomes, qui fonctionneront sur les fréquences Wi-Fi, sans s’appuyer sur aucune infrastructure existante.Conspiritech / Wikimedia commons

Un immeuble confortable et anonyme, au cœur de Washington, à quelques rues de la Maison Blanche. Dans une enfilade de bureaux au fond du 5e étage, une vingtaine de jeunes gens, surtout des garçons, travaillent discrètement, dans une ambiance à la fois studieuse et décontractée. Cette petite équipe, composée d’informaticiens, de juristes et de sociologues, est en train de réaliser l’utopie suprême des hackers et des militants libertaires du monde entier : un logiciel permettant la création de réseaux sans fil à haut débit 100 % autonomes, qui fonctionneront sur les fréquences Wi-Fi, sans s’appuyer sur aucune infrastructure existante – ni relais téléphonique, ni câble, ni satellite. Ils seront mouvants, horizontaux, entièrement décentralisés et échapperont à toute surveillance, car le trafic sera anonyme et crypté.

Ce projet ambitieux – nom de code Commotion– est dirigé par Sascha Meinrath, 37 ans, militant de longue date de l’Internet libre et précurseur des réseaux citoyens – au sein du collectif de journalistes en ligne Indymedia, puis à l’université d’Urbana-Champaign (Illinois), un des berceaux du logiciel libre, et dans diverses start-up et ONG d’action sociale : « J’ai bricolé mon premier réseau autonome il y a dix ans. Les antennes étaient faites avec des boîtes de conserves. » Depuis ces temps héroïques, Sascha Meinrath a fait du chemin. Dans sa version actuelle, Commotion est un projet très officiel. Il est hébergé et financé par l’Open Technology Initiative (OTI), département high-tech de la New America Foundation, organisme prestigieux consacré à l’étude des grands problèmes de la société américaine, et présidé par Eric Schmidt, l’un des patrons de Google.

Grâce à cette tutelle, Sascha Meinrath dispose d’un budget annuel de 2,3 millions de dollars (1,6 million d’euros), auxquels est venue s’ajouter une subvention exceptionnelle de 2 millions, octroyée par le département d’Etat. En effet, les diplomates américains s’intéressent de près à la technologie des réseaux sans fil autonomes, légers et faciles à installer. Ils espèrent les déployer bientôt sur le terrain dans diverses situations d’urgence : dans des zones dévastées par une guerre ou une catastrophe naturelle ; dans les régions les plus déshéritées de la planète, où les populations sont privées de moyens de communication modernes ; et, enfin, comme « outil de contournement » dans des pays dictatoriaux, pour aider les dissidents politiques à communiquer entre eux et avec le reste du monde, en déjouant la surveillance policière et la censure. « Fin 2010, se souvient Sascha Meinrath, j’ai appris un peu par hasard que le département d’Etat avait décidé d’aider ce type de recherches. Nous avons déposé un dossier, en concurrence avec d’autres organisations, et nous avons été choisis. Les autres projets s’appuyaient en partie sur les infrastructures existantes, alors que Commotion les court-circuite entièrement. »

« LE SEUL OUTIL À APPORTER SUR LE TERRAIN, C’EST UNE CLÉ USB »

La subvention fédérale n’a pas suffi à transformer l’équipe de Commotion en fonctionnaires. Josh King, 28 ans, le responsable technique, a gardé son look très rebelle – vêtu de noir de la tête aux pieds, avec chaîne, piercing et cheveux en bataille… Son bureau est encombré d’appareils de toutes sortes, sur lesquels il fait des tests approfondis, car Commotion doit pouvoir fonctionner avec un assemblage hétéroclite. Ses logiciels transforment un routeur Wi-Fi ordinaire, un simple PC ou un smartphone en relais intelligents, capables de connaître en temps réel la configuration du réseau, et de trier les données pour les envoyer vers leurs destinataires, ou vers un autre relais, plus proche du but. Par ailleurs, Commotion peut être facilement raccordé au reste du monde : il suffit qu’un seul des appareils soit connecté à Internet pour que tous les autres profitent de l’accès. « En fait, résume Josh King, le seul outil indispensable à apporter sur le terrain, c’est une clé USB contenant les logiciels, qui doivent être installés sur chacun des appareils appelés à faire partie du réseau. » Depuis le printemps 2011, OTI propose des éléments de Commotion en téléchargement libre sur Internet. Une version de travail complète sera disponible en septembre, afin que des experts de tous les pays puissent l’étudier et faire des suggestions. Sascha Meinrath ne sait pas exactement qui télécharge quoi, car il ne garde aucune trace des internautes venant sur le site : « Si nous conservions une liste de nos visiteurs, nos serveurs pourraient être piratés par différents gouvernements – y compris le nôtre. »

Récemment, OTI a reçu des messages de militants du « printemps arabe », vivant en Egypte, en Syrie, en Libye, à Bahreïn et au Yémen : « Ils veulent se procurer Commotion, mais nous essayons de les dissuader. C’est trop tôt, il n’est pas sécurisé, ce serait risqué de s’en servir contre un régime répressif. Cela dit, si ça se trouve, des groupes clandestins utilisent déjà des versions provisoires, sans nous le dire. Certains interlocuteurs sont peut-être des agents au service des dictatures, mais peu importe, nous montrons la même chose à tout le monde. »

Sascha Meinrath se donne jusqu’à fin 2012 pour produire une version utilisable par le grand public. Pour aller plus vite, OTI s’approprie des systèmes mis au point par d’autres équipes. Pour la sécurisation, Commotion va intégrer les programmes du projet TOR (The Onion Router), inventé par une bande d’hackers allemands et américains pour circuler sur Internet en évitant d’être repéré. TOR a notamment été utilisé pour protéger les communications du site WikiLeaks –qui a divulgué en 2010 des masses de documents secrets appartenant au gouvernement des Etats-Unis. L’un des créateurs de TOR, l’Américain Jacob Appelbaum, fut un temps très proche de l’équipe de WikiLeaks. A deux reprises, en 2010, il a été arrêté par la police américaine, qui l’a interrogé sur ses activités au sein de WikiLeaks et a saisi ses téléphones et ses ordinateurs. Or, Jacob Appelbaum est aussi un ami personnel de Sascha Meinrath, qui fait appel à lui comme conseiller pour la mise au point de Commotion.

Pour expliquer cette situation paradoxale, Sascha Meinrath évoque la « schizophrénie » du gouvernement fédéral : « Parmi les responsables de Washington, il y a encore des gens formés pendant la guerre froide, qui rêvent de tout bloquer et de tout surveiller, mais il y a aussi des jeunes arrivés avec Obama, qui sont partisans de la transparence et de la liberté d’expression. En privé, de nombreux fonctionnaires du département d’Etat étaient en colère de voir leur hiérarchie critiquer WikiLeaks aussi violemment. Selon eux, l’affaire aurait pu être l’occasion de montrer au monde que les Etats-Unis savent défendre la liberté d’expression et la transparence, en toutes circonstances. »

A présent, Jacob Appelbaum participe à un vaste projet baptisé Freedom Box – un ordinateur basique et bon marché transformé en serveur crypté et sécurisé pour le grand public. Sascha Meinrath envisage d’intégrer Freedom Box au réseau Commotion, notamment pour bénéficier d’une fonction dite de « connexion différée » : « Par exemple, lors d’une manifestation réprimée par la police, un manifestant prend une photo avec un smartphone connecté à Commotion. Internet a été coupé ce jour-là dans le quartier par les autorités, la photo ne peut pas sortir du pays, mais grâce à Commotion, elle est stockée à l’abri, sur une freedoom box locale. Puis, dès qu’Internet est rétabli, la box envoie automatiquement la photo dans le monde entier. »

LES ENTREPRISES DE TÉLÉCOMS, ENNEMIS POTENTIELS

OTI songe à intégrer d’autres appareils expérimentaux, qui permettront aux utilisateurs de partager des masses de fichiers lourds, de faire transiter sur Commotion des appels téléphoniques passés avec des mobiles ordinaires, de transmettre des données dans toutes les gammes de fréquences, et même d’interconnecter plusieurs réseaux voisins : « En juillet, raconte Sascha Meinrath, une équipe d’hackers en camionnette a monté un réseau éphémère, couvrant une zone de 60 km sur 30, à cheval sur l’Autriche, la Croatie et la Slovénie. C’est la preuve qu’on peut fournir une connexion Internet à toute une zone frontalière, sans être physiquement présent dans le pays. » Commotion n’est pas prêt pour un déploiement dans les zones à risque, mais il peut déjà être testé aux Etats-Unis – par exemple, dans les quartiers pauvres des grandes villes, dont les habitants ne peuvent pas se payer d’abonnement Internet classique. A Washington, à Detroit, et dans une réserve indienne californienne, l’OTI est entré en contact avec des associations de quartiers et des groupes militants qui avaient entrepris de créer des réseaux sans fil sauvages, pour offrir aux habitants des accès Internet gratuits. Grâce à son expertise et à son carnet d’adresses, l’équipe d’OTI a fourni à ces amateurs une aide technique et financière décisive.

Cette fois, les ennemis potentiels sont les entreprises de télécoms, qui pourraient faire pression sur les autorités, pour qu’elles tuent ces initiatives citoyennes à coups de lois et de restrictions bureaucratiques. Sascha Meinrath est conscient de la menace : « Notre technologie va bousculer pas mal de choses, y compris aux Etats-Unis. Si les gens se mettent à construire leurs propres réseaux, le business model des groupes de télécoms va s’effondrer. Il faut s’attendre à ce qu’ils contre-attaquent brutalement. » Commotion devra aussi affronter l’hostilité des majors d’Hollywood, car il peut faciliter le piratage des œuvres sous copyright. Sascha Meinrath est à la fois fataliste et optimiste : « Que ce soit aux Etats-Unis, au Moyen-Orient ou ailleurs, qui va mettre en place ces réseaux alternatifs ? Pas des vieux, on le sait. Ce sont les ados qui vont s’en emparer. Ils s’en serviront pour contester l’ordre établi et aussi pour partager leur musique et leurs films. Ce sera peut-être négatif pour les détenteurs de droits, mais le bilan global sera très positif. »

Yves Eudes

 


Avis sur la fraude dans Internet

Des individus mal intentionnés utilisent Internet pour proposer à des ressortissants étrangers de fausses opportunités d’études ou de travail au Québec. Certains prétendent être des représentants du gouvernement, d’organismes connus ou de grandes entreprises. D’autres utilisent de faux documents pour convaincre leurs interlocuteurs de la véracité de leur projet.

Par exemple, soyez sur vos gardes :

  • si une personne rencontrée dans un site de clavardage vous promet que, grâce à ses relations, elle pourra vous faire participer à un programme d’immigration à l’étranger qui s’adresse à une catégorie d’immigration (p. ex. : catégorie des réfugiés) à laquelle vous n’appartenez pas et si de surcroît on vous demande de trouver plusieurs personnes pour participer à un tel programme;
  • si des personnes qui prétendent être des représentants du gouvernement, d’organismes connus ou de grandes entreprises utilisent des boîtes de courriel comme Yahoo!, Hotmail ou AOL;
  • si on vous demande d’utiliser les services d’une agence de transfert d’argent pour payer les frais qu’on exige de vous : les agences de transfert reconnues recommandent de ne jamais envoyer d’argent à des inconnus par l’entremise de leurs services.

Conseils de prudence

Avant de répondre à une offre, renseignez-vous sur les personnes ou les organismes avec qui vous faites affaire en utilisant, par exemple, un moteur de recherche. Si vous ne trouvez aucune information fiable, il est préférable de s’abstenir.

Assurez-vous que les personnes avec qui vous correspondez sont bien celles qu’elles prétendent être et que les organismes qu’elles représentent existent légalement. N’hésitez pas à exiger des preuves et à les vérifier auprès des autorités compétentes.

Évitez de traiter vos affaires à distance, à moins d’avoir déjà eu un premier contact avec votre représentant et d’être assuré de son existence légale. Idéalement, vous devriez pouvoir vous rendre dans les locaux d’un intermédiaire pour discuter de votre projet. Prenez note que le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles (MICC) ne communique aucun renseignement sur les intermédiaires en immigration.

canadian embassy

 


Le crime de Tibhirine

Révélations sur les responsables

Jean-Baptiste Rivoire

Éditions La Découverte

Introduction

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Alger, Paris, Rome : l’omerta d’une triple raison d’État

« Je ne vois pas comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. »

Christian de Chergé, 1er décembre 1993.

Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, vers 1 h 15 du matin, des hommes en armes frappent violemment à la porte du monastère trappiste de Tibhirine, en Algérie. « Ilot cistercien » en terre d’islam, la grande bâtisse est implantée depuis 1938 dans un magnifique massif montagneux qui domine la ville de Médéa, à 80 km au sud-ouest d’Alger. Terrorisé, le gardien algérien rechigne à réveiller les moines en pleine nuit. Il aperçoit alors des hommes qui sautent le mur d’enceinte du monastère. Barbus, équipés de kalachnikovs ou de fusils de chasse, ils ont l’apparence d’islamistes armés. Après s’être introduits dans le monastère, ils rassemblent et emmènent avec eux dans la montagne sept des moines de Tibhirine. Dès le lendemain, les islamistes du FIS, le Front islamique du salut, condamnent fermement l’opération. Qui l’a commanditée ? Le 26 avril, le quotidien arabe de Londres El Hayat publie un communiqué revendiquant l’enlèvement des moines au nom de Djamel Zitouni, chef du Groupe islamique armé (GIA), une organisation aux méthodes sanguinaires qui prétend depuis quatre ans combattre le régime militaire d’Alger « au nom de l’islam ». Le 23 mai, un second communiqué du GIA annonce qu’il a tué ses otages en raison d’un « refus de la France de négocier ».

Des cercueils lestés de sable

Pour les grands médias français, la cause est entendue : les moines de Tibhirine ont été victimes d’« intégristes » islamistes en guerre contre le pouvoir et contre la France, accusée de soutenir les généraux ayant annulé, en janvier 1992, la victoire électorale du FIS par un coup d’État qui a marqué en Algérie le début d’une terrible guerre civile. Sur TF1, Jean-Pierre Pernaut évoque « le GIA qui veut régner par la terreur en Algérie » au prix d’innombrables victimes « égorgées, décapitées et mutilées1 »… Et pourtant, au fil des jours, zones d’ombre et faits troublants vont se multiplier.

Le 30 mai 1996, alors qu’on vient d’apprendre le décès à Alger du cardinal Léon-Étienne Duval, figure respectée de l’Église d’Algérie, les autorités algériennes convoquent Michel Lévêque, l’ambassadeur de France à Alger, et lui indiquent que les « dépouilles » des moines viennent d’être retrouvées au bord d’une route, à la sortie de Médéa. Mais quand Armand Veilleux, le procureur général des trappistes qui vient d’atterrir à Alger, insiste pour reconnaître leurs corps, Michel Lévêque finit par lui annoncer une révélation « désagréable », qu’il faudra « garder secrète pour ne pas nuire au nom de l’Algérie » : les militaires algériens n’ont restitué que les têtes des moines assassinés. Leurs corps, eux, auraient « disparu ». Cherchant manifestement à dissimuler cette absence, les autorités algériennes ont été jusqu’à remplir leurs cercueils avec du sable, pour faire illusion… Lors des obsèques des trappistes et de Mgr Duval, le 2 juin 1996 à Alger, le Premier ministre algérien s’est déplacé, mais le malaise est sur tous les visages.

Pour avoir indiqué à quelques journalistes que les restes des moines seraient inhumés le 4 juin à Tibhirine, le père Veilleux a la surprise de se faire réprimander par Mgr Henri Teissier, l’archevêque d’Alger : le gouvernement algérien souhaite en effet que les moines soient enterrés en catimini. Et à Paris, les représentants du Quai d’Orsay font comprendre aux familles des victimes qu’elles ne sont pas les bienvenues en Algérie pour assister aux obsèques. Après l’enterrement des moines, Mgr Teissier et Michel Lévêque vont écarter certaines informations troublantes, comme celle fournie par le colonel François Buchwalter, attaché militaire à l’ambassade, qui a reçu le témoignage d’un ami officier algérien affirmant que les moines auraient été mitraillés par erreur par un hélicoptère militaire : « Ils étaient outrés et ont indiqué qu’il ne convenait pas de répandre de tels soupçons », se souvient le père Veilleux…

Faute de pouvoir enquêter en Algérie, les médias se contenteront pour leur part de relayer à longueur de colonnes la version officielle : celle d’un « crime intégriste ». Des moines chrétiens pacifiques victimes d’islamistes sanguinaires, l’explication est simple, elle frappe les esprits.

Enquête interdite

En dépit des zones d’ombre de l’affaire et de l’incompréhensible disparition des corps des moines, le parquet de Paris, hiérarchiquement soumis au garde des Sceaux, Jacques Toubon, va adopter une attitude totalement inhabituelle : alors qu’il s’agit de ressortissants français assassinés, il n’ouvre aucune enquête, même pas une simple information judiciaire, la démarche minimum pourtant toujours menée dans ce type de cas.

Au fil des semaines, une véritable chape de plomb va s’abattre sur l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine. Dans cette affaire, en effet, tout dysfonctionne : les autorités algériennes, qui font preuve d’un mutisme impressionnant ; les services français (DST et DGSE), manifestement mal coordonnés ; la justice, qui ne se saisira pas du dossier ; le Vatican, qui observe un pesant silence. Tout se passe comme si la vérité, de nature à bousculer trois raisons d’États, ne pouvait être révélée. Et les questions sans réponses se multiplient. Une forme de connivence s’était-elle instaurée entre les moines et les insurgés islamistes, comme l’affirme la presse algérienne ? Le fameux Département du renseignement et de la sécurité (DRS, nouveau nom, depuis septembre 1990, de la Sécurité militaire algérienne2) a-t-il trempé dans leur enlèvement, comme l’a dénoncé un agent algérien à l’ancien juge antiterroriste Alain Marsaud dès juillet 19963 ? La France a-t-elle, en dépit des affirmations du président Jacques Chirac, tenté de négocier secrètement avec le GIA, le mystérieux « groupe terroriste » censé détenir les otages ? Le Vatican, soucieux avant tout de préserver la pérennité de l’Église d’Algérie, a-t-il délibérément choisi le « profil bas » ?

Quelques semaines après le drame, apprenant qu’une journaliste du Point, Mireille Duteil, s’apprête à publier un livre-enquête sur l’affaire de Tibhirine4, des policiers des Renseignements généraux rendent visite à son éditeur, Yves Briend, pour obtenir le manuscrit avant publication. Quand celui-ci refuse, la police obtient de son imprimeur le précieux document. Pendant plusieurs semaines, Briend a le net sentiment d’être placé sur écoutes5. Deux ans plus tard, en juin 1998, une enquête du Monde, titrée « La sécurité algérienne pourrait être impliquée dans le drame de Tibhirine6 », ne suscite qu’un silence embarrassé des autorités françaises et algériennes.

À la même période, en poste à l’agence de télévision CAPA, j’enquête plusieurs semaines sur le drame de Tibhirine pour réaliser un documentaire qui sera diffusé par Canal Plus en novembre 19987. J’y interviewe au Maroc le frère Jean-Pierre Schumacher, l’un des deux moines ayant miraculeusement échappé à l’enlèvement. Il me confirme qu’une certaine connivence s’était instaurée avec les insurgés islamistes de la région de Médéa, dont les moines acceptaient de soigner les blessés, au grand dam des autorités. Marco Impagliazzo et Mario Giro, responsables de la communauté catholique romaine de Sant’Egidio, m’indiquent alors que, le 9 janvier 1995, Christian de Chergé, prieur de Tibhirine, leur avait écrit pour les encourager dans leur initiative de favoriser un processus de paix en Algérie, malgré l’opposition du régime. Enfin, Hocine Ouguenoune, un ancien capitaine du DRS entré en dissidence et réfugié à Londres, m’affirme que Djamel Zitouni, le terroriste ayant revendiqué l’enlèvement des moines, était secrètement instrumentalisé par ses chefs du DRS, au point de s’être vu attribuer un « officier traitant »… Malgré plusieurs demandes, les autorités algériennes refusent alors à notre équipe le droit de pouvoir enquêter en Algérie sur le crime de Tibhirine.

À l’époque, ces révélations restent pratiquement sans écho en France, aussi bien dans les médias que chez les responsables politiques. Pourtant, après les terribles massacres de simples citoyens attribués au GIA de l’automne 1997, de nombreux témoignages très documentés mettaient déjà en cause la responsabilité du DRS dans l’instrumentalisation de ces horreurs, notamment dans la presse britannique. Mais cela reste alors inaudible, la plupart des médias occidentaux ne parvenant pas à dépasser la grille d’interprétation apparemment évidente de la « barbarie islamiste » combattue par des « militaires républicains ». Bien peu résistent en effet aux sirènes de la désinformation sur certains « crimes des islamistes », orchestrée par le service d’« action psychologique » du DRS – dont on verra dans ce livre la sophistication.

En 2000 et 2001, la perception des réalités de la « guerre civile » algérienne semble toutefois basculer. En octobre 2000, notre documentaire télévisé démontre l’implication du DRS dans l’assassinat, en juin 1998, du chanteur kabyle Lounès Matoub8 ; et, le même mois, paraît un livre sur l’atroce massacre de Bentalha en 1997 – plus de quatre cents personnes tuées en une nuit par des « islamistes » bénéficiant à l’évidence de la protection de l’armée9. En février 2001, est publié le terrible témoignage d’un jeune officier algérien sur la « sale guerre » conduite contre leur population par les généraux10. Ces révélations trouvent alors un écho important, mais la contre-offensive médiatique conduite par les partisans du pouvoir algérien est également puissante et l’omerta perdure sur l’assassinat des moines pendant près de deux ans.

Des islamistes « retournés » ?

Fin 2002, les révélations d’Abdelkader Tigha, un ancien adjudant du DRS longtemps chargé de traquer, d’infiltrer et de manipuler les islamistes pour le compte du Centre territorial de recherches et d’investigation de Blida, une unité de la direction du contre-espionnage (DCE, la principale branche du DRS), font l’effet d’une bombe : il affirme au quotidien Libération que, quelques heures avant l’enlèvement des moines, le général Smaïl Lamari, dit « Smaïn », alors patron de la DCE, s’est rendu dans sa caserne de Blida pour une importante réunion avec des officiers en présence de Mouloud Azzout, un ex-islamiste « retourné » par les services, et que cette réunion avait pour objet d’organiser l’enlèvement des moines11.

Le 24 janvier 2003, le père Armand Veilleux signe dans le Monde une tribune affirmant que l’hypothèse la plus vraisemblable est effectivement celle d’une implication des services algériens dans le drame de Tibhirine12. Pointés du doigt, les chefs du DRS vont tout faire pour atténuer l’impact des révélations de leurs ex-agents qui affirment que Djamel Zitouni, chef du GIA de 1994 à 1996, était secrètement manipulé par « Smaïn » et ses collègues. Ils disséminent dans la presse algérienne et française, mais aussi auprès de la DST, des rumeurs manifestement destinées à les discréditer.

Fin 2003, de plus en plus convaincus que la version officielle du meurtre de leurs proches comporte des failles, la famille du frère Christophe Lebreton et le père Armand Veilleux font déposer à Paris, par l’avocat Patrick Baudouin, une plainte contre X avec constitution de partie civile pour « enlèvement, séquestration et assassinat ». « J’aime cette phrase de la mère de Steve Biko, victime de l’apartheid, expliquait en 2007 le père Veilleux, à propos de cette plainte. Elle disait : “Je veux pardonner à ceux qui ont tué mon fils. Mais je veux d’abord savoir à qui je dois pardonner”13. » Persuadés qu’on leur a menti sur les vraies circonstances de la mort des moines, l’ancien procureur général des trappistes et la famille Lebreton demandent l’audition de nombreux témoins, dont l’ex-adjudant Abdelkader Tigha – exilé aux Pays-Bas après une longue cavale. En mars 2004, quatre mois après le dépôt de cette plainte, interrogé sur la chaîne française LCI à propos du silence entourant l’affaire de Tibhirine, le président algérien Abdelaziz Bouteflika reconnaît qu’elle comporte encore de larges « parts de mystère ». Mais il estime que « toute vérité n’est pas bonne à dire à chaud » et qu’il y a un « problème de timing », car « nous venons de sortir d’une guerre civile et lorsque je connaîtrai la vérité, je vous la communiquerai14 ». Mais après cette étrange confidence en forme de demi-aveu, interprétée par une partie de la presse algérienne comme une mise en cause directe de la responsabilité des chefs de l’armée15, Bouteflika ne s’exprimera plus jamais publiquement sur ce crime.

Huit ans après le drame, à Paris, le gouvernement français renâcle toujours étrangement à laisser la justice enquêter sur l’affaire. Alors que la plainte déposée par Me Patrick Baudouin au nom de la famille Lebreton et du père Veilleux aurait pu atterrir sur le bureau d’un juge d’instruction ordinaire, le ministère de la Justice préfère confier le dossier à Jean-Louis Bruguière. Problème : le célèbre magistrat antiterroriste est connu pour sa proximité avec la DST, elle-même très proche des services algériens, et avec le RPR, parti au pouvoir en 1996… Il est également connu pour sa réticence à mettre en cause Alger dans des attentats passés. Déjà en charge de l’affaire du détournement de l’Airbus d’Air France, à Alger, en décembre 1994, il s’était fait remarquer par la lenteur de son instruction et son peu d’empressement à prendre en compte les éléments paraissant impliquer les autorités algériennes dans ce dossier. Dans l’affaire des moines, en trois ans d’instruction, il se contentera de demander à la DST de rencontrer quelques témoins, ne procédera lui-même qu’à quatre auditions de pure forme et à l’envoi, sans suites probantes, d’une commission rogatoire internationale en Algérie.

En février 2006, à Alger, une nouvelle législation dite « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » punit de trois à cinq ans de prison et d’une amende pouvant atteindre 5 000 euros « quiconque utilise […] les blessures de la tragédie nationale pour porter atteinte aux institutions de la République, […] nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ». En clair : en Algérie, il est désormais impossible d’évoquer les massacres de civils survenus lors de la « sale guerre » des années 1990, les milliers de disparus ou le drame de Tibhirine, sans tomber sous le coup de la loi. Fin 2009, une équipe de journalistes algériens tentant d’enquêter au monastère sera d’ailleurs arrêtée et leurs cassettes visionnées par des représentants des forces de sécurité surveillant en permanence l’entrée du bâtiment. Que craignaient les autorités ?

Le silence du Vatican

Tout au long de mon enquête, j’ai été également frappé par le surprenant silence du Vatican. Le pape était-il indifférent au sort des moines ? Certainement pas. Peu après leur enlèvement, lors d’un déplacement à Tunis, il avait appelé à leur libération. Mais le Vatican a fait l’objet de pressions du gouvernement algérien, qui n’avait pas apprécié, fin 1994, l’implication de l’association catholique de Sant’Egidio en faveur du processus de paix en Algérie. Des pressions de la France, aussi, qui aurait voulu que le pape incite les moines à quitter le pays. Du coup, le Vatican restera silencieux après l’assassinat des moines, comme s’il cherchait à tout prix à préserver ce qui restait de l’Église d’Algérie, dans un pays soumis à un régime totalitaire engagé dans une guerre civile qui avait déjà fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

En 2009, la déposition d’un ancien attaché militaire français à Alger déclenche une réaction violente des autorités algériennes. Juste après l’annonce de la mort des moines, on l’a vu, François Buchwalter avait déjà fait part à sa hiérarchie d’informations indiquant qu’ils auraient été tués du fait d’une « bavure » de l’armée algérienne. Mais entre 2004 et 2007, date de son départ de la magistrature pour s’engager en politique, le juge Bruguière ne procédera jamais à l’audition de ce général, malgré les demandes insistantes de l’avocat Patrick Baudouin. Il faudra attendre l’arrivée dans le dossier du juge antiterroriste Marc Trévidic, en 2007, pour qu’enfin, la justice envisage de l’entendre. Face au juge Trévidic, le 25 juin 2009, l’ancien attaché de défense français à Alger répète donc ce qu’il avait déjà indiqué en 1996 à Armand Veilleux et à de hauts responsables qui n’avaient pas voulu l’écouter : à l’époque des faits, un ami haut gradé algérien lui avait affirmé que l’armée était impliquée dans la mort des moines, qui auraient été mitraillés par erreur depuis un hélicoptère. Buchwalter précise qu’il en avait informé sa hiérarchie.

Sarkozy contre le « mensonge »

Suite à ces déclarations, le président Nicolas Sarkozy met publiquement en cause l’attitude des autorités algériennes, déclarant notamment : « Les relations entre les grands pays s’établissent sur la vérité et non pas sur le mensonge. […] Naturellement, je lèverai le secret-défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n’y a pas d’autres façons de faire la vérité16. » Mais l’espoir que la transparence prévale enfin dans l’affaire de Tibhirine est de courte durée. À Alger, le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qualifie les déclarations du général Buchwalter de « provocations ». Dans la presse, l’ancien attaché militaire français est qualifié de « général raté » et même de « spécialiste de la désinformation ». Ses propos ? Des « délires ». En Algérie, sont relancées des campagnes destinées à culpabiliser la France à propos de son histoire coloniale ou de l’action de ses services de renseignements, accusés d’avoir tenté de négocier avec le GIA dans le dos d’Alger.

Loin d’assumer les déclarations de l’ancien attaché militaire, plusieurs hauts responsables français vont alors le dénigrer. Premier à s’illustrer : l’ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, qui déclare au Quotidien d’Oran : « Les propos tenus devant un juge par un officier à la retraite, dont les fonctions à l’époque des faits ne l’amenaient pas d’ailleurs à traiter cette affaire, n’engagent que lui17. » Ministre de la Défense à l’époque des faits, Charles Millon déclare pour sa part : « Je ne connais pas le général Buchwalter, dont le nom même m’est inconnu. S’il a fait un rapport, il n’est jamais remonté jusqu’à moi. […] On ne m’a jamais parlé d’une “bavure de l’armée algérienne” et je ne comprends pas bien pourquoi cette affaire ressort maintenant18. » Quant à l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hervé de Charette, c’est carrément sur les ondes de la télévision d’État algérienne qu’il choisit de prendre ses distances avec l’ancien attaché militaire français à Alger19

Toujours à la télévision d’État algérienne, Yves Bonnet, ancien patron de la DST de 1982 à 1985, fait une déclaration passée inaperçue, mais lourde de sens : après avoir dénoncé l’affirmation de Buchwalter selon laquelle l’armée algérienne aurait pu tuer les moines par erreur, il fournit non pas une justification de l’élimination des trappistes par les services algériens, mais un début de mobile. Confondant étonnamment son point de vue avec celui de son ami Smaïl Lamari, patron du contre-espionnage algérien, il déclare notamment : « L’armée était dans une situation impossible, car les moines refusaient de partir […] et continuaient à soigner les maquisards blessés. On [sic] ne pouvait pas les prendre de force pour les ramener à Alger, […] donc les autorités algériennes étaient prises dans la seringue20. »

Visiblement affecté par les réactions outrées des autorités algériennes à sa déclaration évoquant le « mensonge » de Tibhirine, Nicolas Sarkozy lui-même fait marche arrière deux jours après. Il remet prudemment la responsabilité du crime sur le dos des islamistes, déclarant en marge d’un sommet du G8 : « Moi, je m’en tiens quand même au communiqué numéro 44 du Groupe islamique armé en 1996, revendiquant l’assassinat des moines. » Le président français replace ainsi sur le devant de la scène la version officielle d’un crime « intégriste », omettant de s’interroger sur la véritable nature du GIA et sur les liens qui unissaient son chef de l’époque, Djamel Zitouni, et le DRS algérien. À Alger, la presse pousse un « ouf » de soulagement et indique que Nicolas Sarkozy est revenu à de « meilleurs sentiments21 ».

Comment expliquer une telle omerta sur un crime pourtant présenté officiellement comme limpide ? Pourquoi la France a-t-elle attendu d’y être contrainte par la plainte d’une famille pour ouvrir enfin, sept ans après, une enquête judiciaire ? Les responsables politiques français ont-ils tenté d’« enterrer volontairement » ce septuple assassinat, comme l’affirme Alain Marsaud, ancien député UMP et ancien juge antiterroriste ? Ce qui est sûr en tout cas, c’est que quinze ans après le drame, alors que le Vatican envisage de canoniser les sept moines de Tibhirine et que l’émouvant film Des hommes et des dieux – grand prix du jury au festival de Cannes 2010 –, que leur a consacré le cinéaste Xavier Beauvois, a bouleversé des millions de spectateurs, les circonstances de la mort de Christian de Chergé et de ses frères sont toujours entourées d’un épais mystère.

Une enquête de dix-huit mois

Pour tenter de comprendre ce qui leur était réellement arrivé, avec l’aide de plusieurs collaborateurs au sein d’une agence de presse télévisuelle parisienne, j’ai remonté durant dix-huit mois le fil de leur histoire, interrogeant plus de soixante témoins. En France, en Italie, en Suisse, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou au Maroc, mais aussi à l’occasion de reportages clandestins réalisés par des amis en Algérie, d’anciens hauts responsables gouvernementaux, d’anciens islamistes algériens et d’anciens agents du DRS, parfois directement impliqués, nous ont parlé, apportant chacun sa part de vérité. Pendant des mois, j’ai recoupé leurs témoignages, vérifié la géographie des lieux sur des cartes militaires algériennes ou sur des photos satellites, contacté d’anciens islamistes ou militaires mis en cause par nos témoins, consulté à nouveau les nombreux livres, écrits et films déjà consacrés à cette affaire. Et j’ai systématiquement revisité les enquêtes auxquelles j’avais participé depuis 1998, pour plusieurs documentaires télévisés, sur les circonstances de la guerre civile algérienne des années 1990, qu’il s’agisse, déjà, de l’affaire de Tibhirine, du massacre de Bentalha, de l’assassinat de Lounès Matoub, des attentats de Paris en 1995, de la corruption en Algérie ou du « vrai-faux » enlèvement des époux Thévenot à Alger en 199322.

Tout au long de l’année 2011, cette matière journalistique a été systématiquement confrontée à la centaine de documents « confidentiel défense » déclassifiés en France à partir de l’année 2009 par les ministères de la Défense, de l’Intérieur et des Affaires étrangères, à la demande du magistrat antiterroriste Marc Trévidic, désormais en charge du dossier. Vraisemblablement mis en confiance (ou inquiétés ?) par l’intégrité et l’efficacité unanimement reconnue de ce magistrat bien décidé à faire enfin prévaloir la justice dans cette douloureuse affaire, de nouveaux acteurs algériens directement impliqués ont décidé de nous parler. Ils se disent également prêts à parler à la justice. Quinze ans après le drame, j’ai le sentiment d’avoir rassemblé dans ce livre assez de pièces de ce sinistre « puzzle » pour donner enfin à voir comment et pourquoi, entre mars et avril 1996, le destin des sept moines trappistes du monastère de Tibhirine a basculé.

Mais une enquête journalistique, aussi fouillée soit-elle, ne fait pas une vérité judiciaire. Seule, la justice pourra peut-être un jour confondre les auteurs de ce crime qui empoisonne depuis 1996 les relations franco-algériennes, qui fait porter à la communauté musulmane et aux Algériens, indistinctement soupçonnés du meurtre, une responsabilité qui n’a aucun sens. Gageons que les nouveaux témoins qui ont accepté de nous parler puissent être entendus par la justice française. Gageons que la France puisse continuer à s’enorgueillir de disposer de magistrats indépendants capables de mettre à jour des affaires d’États. Le crime de Tibhirine en est une, à n’en pas douter…

Afin de comprendre pourquoi, un jour de 1996, les frères Christian de Chergé, Luc Dochier, Paul Favre-Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard sont morts sur la terre d’Algérie, il était indispensable de restituer la façon dont leur histoire collective, au cours des années précédentes, s’est entrecroisée avec celle d’une société fracassée par une guerre interne d’une violence inouïe. C’est pourquoi je me suis d’abord intéressé au charismatique prieur de Tibhirine. Durant trente-cinq ans, Christian de Chergé a travaillé discrètement, mais inlassablement, au rapprochement des chrétiens et des musulmans d’Algérie. Pour lui, malgré l’histoire, malgré les terribles violences de la colonisation, malgré les préjugés entretenus, tous étaient des « frères en humanité ». À n’en pas douter, la personnalité et la démarche du frère Christian, à mille lieues des sombres prophéties du « choc des civilisations » annoncé en 1993 par le chercheur américain Samuel Huntington, marqueront à jamais l’histoire de l’ordre des moines trappistes, de l’Algérie et même du xxe siècle.

Notes de l’introduction

1 « 13 heures », TF1, 23 mai 1996.

2 Vingt et un ans plus tard, le DRS reste le nom officiel de la police politique algérienne, dont les chefs jouent toujours en 2011 un rôle central au sein de l’appareil du pouvoir. Mais nombre d’observateurs avisés de la réalité du pouvoir algérien, y compris au sein des services français de renseignements, continuent de l’appeler « Sécurité militaire » (ou « SM »), tant celle-ci a marqué l’histoire de l’Algérie indépendante. C’est pourquoi, dans ce livre, nombre des témoins que je cite parlent toujours de « Sécurité militaire » au lieu de « DRS ». Pour découvrir l’histoire et l’importance du « DRS/SM » dans l’histoire de l’Algérie contemporaine, voir : Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire, Françalgérie, crimes et mensonges d’États, La Découverte/Poches, Paris, 2004 (où figurent de nombreuses références à ce sujet).

3 « Tibhirine, une affaire “enterrée volontairement”, selon l’ancien juge Marsaud », AFP, 7 juillet 2009.

4 Mireille Duteil, Les Martyrs de Tibhirine, Brepols, Paris, 1996.

5 Entretien de l’auteur avec Yves Briend, Paris, 19 mars 2011.

6 Henri Tincq, « La sécurité algérienne pourrait être impliquée dans le drame de Tibhirine », Le Monde, 7-8 juin 1998.

7 Jean-Baptiste Rivoire, Moines de Tibhirine, « Le Vrai Journal », Canal Plus, 22 novembre 1998.

8 Michel Despratx, Jean-Baptiste Rivoire, Lounis Aggoun et Marina Ladous, Algérie, la grande manipulation, « 90 minutes », Canal Plus, 31 octobre 2000.

9 Nesroulah Yous (avec la coll. de Salima Mellah), Qui a tué à Bentalha ? Algérie, chronique d’un massacre annoncé, La Découverte, Paris, 2000.

10 Habib Souaïdia, La Sale Guerre, La Découverte, Paris, 2001.

11 Arnaud Dubus, « Les sept moines de Tibhirine enlevés sur ordre d’Alger », Libération, 23 décembre 2002.

12 Armand Veilleux, « Hypothèses sur la mort des moines de Tibhirine », Le Monde, 24 janvier 2003.

13 Cité par Philippe Reltien (in Lionel Thomson et Pascal Dervieux, « Interception », France Inter, 8 avril 2007).

14 Interview d’Abdelaziz Bouteflika par Vincent Hervouet, LCI, 26 mars 2004.

15 Nissa H., « Bouteflika s’attaque à l’armée », Le Matin, 28 mars 2004.

16 Conférence de presse de Nicolas Sarkozy, 7 juillet 2009.

17 Le Figaro, 16 juillet 2009.

18 Propos rapportés par L’Express.fr, 14 juillet 2009.

19 Canal Algérie, 13 juillet 2009.

20 Ibid.

21 Voir notamment : Hafida Ameyar, « Après avoir émis de sérieux doutes dans l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine, Nicolas Sarkozy fait marche arrière », Liberté, 11 juillet 2009.

22 Jean-Baptiste Rivoire, Moines de Tibhirine, op. cit. ; Jean-Baptiste Rivoire, Jean-Paul Billault, Thierry Thuillier et Bruno Girodon, Bentalha, autopsie d’un massacre, « Envoyé spécial », France 2, 23 septembre 1999 ; Michel Despratx, Jean-Baptiste Rivoire, Lounis Aggoun et Marina Ladous, Algérie, la grande manipulation, op. cit. ; Jean-Baptiste Rivoire et Romain Icard, Attentats de Paris : enquête sur les commanditaires, « 90 minutes », Canal Plus, 4 novembre 2002 ; Jean-Baptiste Rivoire et Guillaume Barathon, La Corruption en Algérie, « 90 minutes », Canal Plus, 3 mars 2003 ; Jean-Baptiste Rivoire, Services secrets : révélations sur un « vrai-faux » enlèvement, « 90 minutes », Canal Plus, 1er décembre 2003.


 

 

 

 

 

 

Omar Belhouchet, directeur d’El Watan: « Le travail de 20 ans a failli partir en fumée »

 

Dans la soirée de mercredi à jeudi, vers 21h30, une bande de jeunes a tenté d’attaquer l’imprimerie des quotidiens Al Watan et El Khabar à Ain Naâdja (Alger) pour y mettre le feu. La réaction rapide et efficace des travailleurs a fait éviter le pire. Encore sous le choc, le directeur de publication du quotidien El Watan Omar belhouchet contacté en milieu de matinée nous livre ses premières impressions sur ce grave incident.

 

Que s’est-il réellement passé, M. Belhouchet ?

A l’heure où je vous parle, je suis encore sous le choc. Nous sommes passés à côté d’une catastrophe. Si les travailleurs n’avaient pas réagi d’une manière admirable. Je suis totalement ému et admiratif devant leur courage. L’imprimerie et les tonnes de papier – nous avons pour trois ans de stock stratégique – seraient partis en fumée. Aujourd’hui je prends conscience de cela, après y avoir passé la nuit et parlé aux cadres et aux travailleurs.


L’incident a eu lieu vers quelle heure ?

C’était aux environs de 20h30 – 21h00.

 

Est-ce que vous avez des pistes sur l’origine de cette attaque ?

Comme vous tous, nous nous posons des questions. Une soixantaine de jeunes se sont présentés devant l’imprimerie en disant « Nahargouha » (nous allons là brûler). Ils ont voulu escalader le mur. Ils n’ont pas pu en raison du barbelé et des grillages, et de la réaction des gardiens. Mais ils sont passés par la partie commune avec une entreprise voisine, c’est un peu le point faible en matière de sécurité. Ils s’y sont engouffrés, ont contourné les locaux, et derrière, ils ont essayé de pénétrer dans le dépôt de papier et le local abritant les unités d’impression.

 

Il n’y a pas eu de blessés lors des empoignades avec les travailleurs ?

Non, heureusement. Juste quelques légères lésions.

 

Certains parmi vos travailleurs habitent le quartier…

Absolument. A El Watan et à El Khabar nous avons adopté une politique visant à recruter dans le voisinage. Par souci d’aider à régler les problèmes des jeunes, mais aussi parce que les parents viennent nous voir pour nous demander de recruter.


Les services de sécurité ont-il intervenu à temps ?

Les gendarmes sont arrivés une demi-heure après. Ils sont restés avec nous jusqu’à 3h du matin pour sécuriser le site.


Vous allez porter plainte ?

Oui, ce sera fait dans la journée. Avec El Khabar nous sommes aussi en train de rédiger un communiqué et de travailler pour renforcer la sécurité au sein de l’imprimerie qui édite les deux quotidiens mais également Liberté, El Youm et El Khabar Erryadhi.

 

Votre journal établi un lien entre cet incident et l’annonce d’El Watan d’investir le champ audio-visuel.

Oui, tout le monde s’interroge sur le mobile de cet acte. On se pose bien évidemment des questions sur le lien que pourrait avoir le fait de projeter de lancer une chaîne de télévision et la volonté de réduire en cendres les unités d’impressions des deux quotidiens.

J’aimerais insister pour dire que ce sont les travailleurs, les techniciens et les ingénieurs qui ont sauvé l’imprimerie (…). Excusez-moi, je suis très ému. 20 ans de travail auraient pu partir en fumée si ce n’était leur héroïque intervention.

 


Écrit par Abdelkader Zahar (propos recueillis)

Jeudi, 15 Septembre 2011 17:01

http://www.maghrebemergent.com

 

 


: « Chakib Khalil était au cœur de la pourriture à Sonatrach»

Un nouveau câble diplomatique de l’ambassade américaine à Alger, mis en ligne par le site Wikileaks, montrent l’intérêt que les Américains portent au scandale de corruption qui a secoué la compagnie nationale Sonatrach en janvier 2010. Dans un mémo en date du 21 février 2010, l’ambassadeur analyse les conséquences à moyen et à long terme de ces affaires de malversations présumées qui ont décapité la direction de l’entreprise pétrolière. Le même révèle également que l’ancien ministre de l’Energie, Chakb Khelil, n’a pas informé ni le Premier ministre ni le Président que les capacités d’exportations de gaz, « un dossier explosif », sont menacées à l’horizon 2015.
Intitulé « les compagnies pétrolières inquiétés par l’avenir de l’énergie algérienne », le diplomate fait référence à deux rencontres tenues séparément avec le manager de PB (British Pétroleum) en Algérie ainsi que le directeur de ConocoPhillips.
En préambule, l’ambassadeur, David Pearce, note que les grands groupes pétroliers nourrissent des inquiétudes sur l’impact du scandale sur le management de Sonatrach et sur l’avenir ds projets en cours. « Le ministre de l’Energie, Chakib Khelil, est perçu comme étant au cœur de la pourriture au sein de Sonatrach (a the center of the rot in Sonatrach) », écrit le diplomate.
Il ajoute que ces compagnies estiment que les enquêtes sur la corruption constituent des attaques contre l’influence exerce le clan de l’ouest du président Bouteflika. Toutefois, note-t-il, l’ambassade américaine ne dispose pas d’éléments probants pouvant accréditer cette théorie.

Procédure de gré-à-gré

Le patron de BP, Akli Brihi, explique que les investigations à Sonatrach concernent la règle du gré-à gré instaurée par les dirigeants de l’entreprise pour octroyer des marchés à des compagnies pétrolières ou à des sociétés de services.
« La compagnie soumet une offre gonflée, puis elle rétribue les initiés de Sonatrach », dit-il. Il cite alors l’exemple de l’italienne Saïpem qui a obtenu un contrat « d’un milliard de dollar » de gré-à-gré pour l’usine de GNL d’Arzew.
Il cite aussi l’exemple de l’entreprise canadienne SNC-Lavalin qui a décroché en juillet 2009 un contrat de 320 millions de dollars, sous la même procédure, pour la construction de la « Nouvelle ville » de Hassi Messaoud. Le contrat, ajoute l’hôte de l’ambassadeur, était « souillé par un arrangement similaire ». Le directeur de ce projet, Mourad Zeriati, a été arrêté et jeté en prison.
Le manger de PB affirme « qu’il n’était pas inconcevable que les entreprises américaines soient impliquées dans ces transactions, mais il n’avait jamais entendu parler d’informations concrètes. »

Foreign Corrupt Pracices Act

David Pearce rappelle que les compagnies américaines « sont soumises à des procédures très strictes contenues dans le Foreign Corrupt Pracices Act ». Les dispositions anticorruption, votées en décembre 1977, interdisent aux sociétés, ou à leurs intermédiaires, de verser des pots-de-vin ou d’offrir un quelconque objet de valeur à un « fonctionnaire » dans le but de l’influencer ou d’en tirer un « avantage indu ».

Le directeur de PB affirme à l’ambassadeur que le scandale a éclaté à un mauvais moment, parce que Sonatrach et les autorités algériennes ne sont éveillées au fait que l’Algérie fait face à une baisse de production de gaz et à une éventuelle incapacité de satisfaire aux obligations d’exportation et la hausse de la demande intérieure à l’orée de l’année 2015.
Le manager de British Petroleum est convaincu que le ministre de l’Énergie et des Mines Chakib Khelil, dégommé de son post en mai 2010, est « responsable de la culture de corruption à Sonatrach ».

Réda Hemche l’éminence grise de Meziane

L’ambassade américaine a reçu des rapports indiquant qu’un proche de Khelil (un cousin ou un neveu), l’ancien chef de cabinet de Sonatrach, était l’homme derrière les contrats douteux.
« Travaillant pour le compte de Khelil, écrit le mémo de l’ambassade, Hemche conseillait Mohamed Meziane sur les contrats à signer, faisant de Meziane le responsables légal et laissant Hemche hors d’atteinte. Le patron de PB croit savoir que Meziane avait signé de nombreux contrats sous la contrainte.
Il a indiqué « que M. Khelil avait fait un excellent travail en tant que ministre » jusqu’à ce que sa loi sur les hydrocarbures soit rejetée en 2006. Il note que c’est à partir de cette année-là que que M. Khelil a installé Hemche et commencé à virer les cadres de haut niveau de Sonatrach pour les remplacer par des « yes-men ». Des béni oui-oui…

Réserves de gaz en baisse

Sonatrach, dit-il, n’est pas sur la bonne voie pour réaliser l’objectif déclaré publiquement par Khelil d’élever la production de gaz de 60 à 80 milliards de mètres cubes par an. La production de gaz est en baisse en raison de l’épuisement des réserves de gaz conventionnel du pays.

« L’Algérie a besoin de développer du gaz non-conventionnel », ajoute le représentant de PB. Y compris les gaz de schiste, présents en quantité mais dont l’exploitation nécessite un savoir-faire et de grands investissements.
Or il n’y a que trois entreprises qui possèdent la technologie et les ressources financières ressources pour ce faire: Exxon, BP et Shell. Il faudrait du temps et jusqu’à 50 milliards de dollars pour développer les infrastructures nécessaires, précise-t-il.

Khelil a caché un dossier explosif à Bouteflika et à Ouyahia

Interrogé par l’ambassadeur pour savoir quelle est l’étendue de cette pénurie à l’exportation qui se profile à l’horizon, le patron de PB Algérie affirme que Chakib Khelil en est conscient mais qu’il « pas présenté ce ‘dossier explosif’ au Premier ministre Ahmed Ouyahia et au président Bouteflika ».

Pourquoi les autorités algériennes ne se sont-elles pas intéressées à ce dossier ? Le patron de BP explique que « M. Bouteflika est très intelligent », mais n’écoute pas les autres. Et que dans tous les cas, le secteur de l’énergie ne constitue pas son principal centre d’intérêts, qui reste la politique. « Il a confié les questions liées à l’énergie à Khelil, qui est resté le conducteur de la politique énergétique de l’Algérie. »

Les experts de Sonatrach qui étaient au courant pendant des années de cette imminente vulnérabilité de l’Algérie ont été écartés ou marginalisés par Khelil, ajoute le câble diplomatique.

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