L’exode des compétences algériennes vers les pays de l’hémisphère nord a lourdement affecté les efforts entrepris en matière de développement. Les conditions socioprofessionnelles et sécuritaires des années 90 étant, nettement, dégradées ont favorisé la fuite, l’installation et l’épanouissement de ces compétences sous d’autres cieux sans que l’Algérie ne puisse en tirer le moindre profit. Pire encore, l’ampleur des dégâts occasionnés à l’économie algérienne par ce phénomène est extrêmement ahurissante. « La fuite des compétences à cause de certaines conditions aussi délicates que dramatiques a coûté à l’Algérie plus de 100 milliards de dollars. » C’est du moins ce qu’a déclaré, hier, Farid Benyahia, professeur en relations internationales et consultant au Pnud, à l’issue d’une table ronde tenue au Forum d’El Moudjahid. Cet expert, auteur d’un ouvrage sur l’adhésion de l’Algérie à l’OMC, dira que cet état de fait constitue l’élément clé qui a grandement entravé le processus d’adhésion de l’Algérie à l’Organisation Mondiale du Commerce. Il faut dire, dans ce contexte, que les chercheurs et les experts algériens sont, pour le moins que l’on puisse dire, tenus à l’écart des bouleversements socioéconomiques et grandement marginalisés au plan social. On sollicite rarement leurs opinions concernant des questions aussi pertinentes soient-elles. Et avec les événements dramatiques survenus durant la décennie noire, l’exode vers les pays occidentaux est perçue comme unique solution afin de vivre en paix et avoir en main la clé de voûte de leurs projets. Plus de 100 milliards de dollars, ce chiffre, comparable à des revenus nationaux de certains pays, est malheureusement ce qu’a perdu l’Algérie en laissant ses élites, formées localement ou ailleurs avec des fonds nationaux, « errer » dans d’autres pays. « Maintenant, l’État doit investir davantage et revaloriser le capital humain », a clamé Farid Benyahia. L’Algérie se porte bien au niveau de la macroéconomie. Mais en contrepartie, ce succès reste, aux yeux de cet expert, grandement entravé par l’absence d’une stratégie économique claire. « Il faut bien réfléchir et avoir une stratégie industrielle, chose qui n’existe pas actuellement. Jusqu’ à quand les pouvoirs publics continueront-ils d’agir sans se doter d’une stratégie industrielle claire? », se demande l’intervenant et d’ajouter en guise de réponse : « pour ce faire, on doit revaloriser nos compétences et faire revivre la flamme du vrai nationalisme. Car rien n’est impossible quand on est motivé par l’amour du pays. C’est des hommes de valeur qui manquent. Actuellement l’Algérie ne possède guère de stratèges », a observé le conférencier. Selon lui, l’Algérie renferme des compétences professionnelles et des moyens techniques et financiers importants, mais elle est victime d’un système et à chaque fois qu’il y ait une occasion d’un décollage économique réel, des entraves de tous bords surgissent. « On a fait beaucoup d’erreurs. On a perdu beaucoup d’argent, tout simplement perce qu’on n’a pas de planification. Il faut savoir gérer son argent. On gère l’Algérie le jour au jour. Il n’y a pas de bonne gouvernance. L’Algérie et l’Algérien ont besoin de liberté, liberté économique, de penser et d’initiatives. L’Algérien réussit mieux dans un environnement de liberté », at- il déclaré sur un ton ferme, tout en ajoutant qu’« il faut qu’il y ait une vision lointaine et une volonté politique pour changer les choses et par ricochet adhérer à l’OMC ». Outre la fuite des cerveaux et l’inexistence d’une stratégie, le professeur Farid Benyahia, soulève plusieurs autres obstacles. Un système bancaire qui reste archaïque, d’énormes problèmes au niveau de la micro-économique, problèmes aigues au niveau de la gestion du foncier agricole et industriel… sont entre autres des problèmes qui font que notre économie a du mal à s’adapter aux règles de l’adhésion à cette organisation. En évoquant l’importation, il donnera l’exemple du commerce de véhicules qui est estimé, en 2008, à 3 milliards de dollars, ce coût permettra facilement la construction de 8 à 10 unités de montage. Même son de cloche chez un autre intervenant à cette table ronde en ce qui concerne l’inexistence d’une volonté politique permettant l’accession de l’Algérie à l’OMC. Outre cet état de fait, cet intervenant a tenu à soulever le problème de l’instabilité des membres du comité chargé de faire aboutir le dossier algérien. « On se demande si réellement les négociateurs sont à la hauteur de la mission dont ils ont la charge : Faire adhérer l’Algérie à l’OMC tout en défendant ses intérêts», s’est interrogé Alaoui.
In le Courrier d’Algérie-28.01.2010.